Mais l'aqueduc national d'Israël prive les Jordaniens et les Palestiniens d'une partie de leur eau. Les Palestiniens, avec à leur tête Yasser Arafat, lancent alors une attaque contre ce pipeline dès le 1er janvier 1965. Les Jordaniens barrent le Yarmouk qui prend naissance en Syrie au pied du mont Hermon, le point culminant de la région (2 614 m). Les Syriens privent en amont l'État sioniste d'une partie de sa ressource en barrant les deux affluents qui coulent chez eux. Les événements se précipitent avec l'intervention des Soviétiques et, deux mois avant la guerre des Six-Jours, l'aviation israélienne détruit le barrage de Yarmouk. Les combats de 1967 vont permettre aux Israéliens de contrôler tout le cours du Jourdain, depuis la source du Golan jusqu'à la mer Morte, et de s'approprier le seul territoire où l'on puisse forer des puits avec succès. Occuper le Golan, c'est conserver la maîtrise du château d'eau qui approvisionne le Jourdain. Ce dernier point explique pourquoi Israël ne peut pas lâcher aussi facilement ce lieu stratégique. En effet, en détenant le plateau du Golan, les Syriens pourraient à partir du lac Tibériade intervenir dans le fonctionnement de l'aqueduc national israélien. En Cisjordanie occupée, les soldats israéliens décrètent l'eau « ressource stratégique sous contrôle militaire ». La Cisjordanie est, en effet, le seul territoire de Palestine à détenir une nappe phréatique importante. Les 100 000 colons israéliens qui y vivent consomment presque autant d'eau que le million de Palestiniens. En fait, 83 % des eaux souterraines sont consommés par les Israéliens. Par conséquent, rendre la Cisjordanie, c'est pour Israël abandonner une partie de sa ressource en eau. De plus, après l'attaque d'un commando palestinien venu du Liban, Israël parvient à occuper dès le 14 mars 1978 les territoires du Sud-Liban jusqu'au fleuve Litani, le seul cours d'eau du Proche-Orient coulant dans un seul pays. Les autorités militaires israéliennes interdisent alors aux villageois de creuser des puits, pour se garder l'exclusivité des forages. Elles détournent à leur profit une partie du débit du Hasbani.

Israël finit par conclure en 1979 un traité de paix avec l'Égypte, mais il n'existe entre eux aucun contentieux hydraulique. Et l'eau est encore au cœur du traité de 1994 que le roi Hussein de Jordanie doit se résoudre à signer avec l'État sioniste. En contrepartie, Israël s'engage à fournir 50 millions de m3 d'eau à la Jordanie. L'autre fait marquant, démontrant l'importance qu'Israël accorde à l'eau, concerne le mont Sinaï, qu'il a rendu. Le Sinaï a des puits de pétrole, mais pas d'eau. Toutes ces considérations permettent de comprendre la difficulté de répartition des territoires.

De l'eau qui tarit

De ce fait, l'absence de paix entre Israël et ses voisins empêche toute réflexion saine de la gestion de l'eau à l'échelle régionale. Pourtant, toute la région est touchée : l'eau fait de plus en plus défaut et la misère s'étend. Cette politique de guerre, les phénomènes naturels, la poussée démographique, l'exploitation de la nature tarissent les ressources. La désertification et la salinité menacent sous l'effet d'une exploitation excessive des sources. Chacun tente de transformer ou de contourner les données géographiques à son profit. Si certaines alliances « discrètes » permettent à Israël de concéder aujourd'hui le Sud-Liban, à long terme cela ne peut être suffisant, car l'économie locale dépend de la santé économique régionale.

Près d'un million de Palestiniens de la bande de Gaza vivent sur une nappe phréatique de plus en plus saumâtre. Le manque d'eau, lié à la surpopulation sur ce territoire exigu, nécessite de trouver une solution assez rapidement. Trois possibilités sont envisageables : un aqueduc branché sur le delta du Nil, des usines de dessalement d'eau de mer, un branchement sur l'aqueduc national israélien. Cette dernière proposition est, pour l'instant, politiquement exclue. Les regards se tournent donc sur le barrage d'Assouan, en Égypte, inauguré l'année même de la mise en service de l'aqueduc national israélien. Mais, hélas, le barrage ne garantit plus une alimentation en eau suffisamment abondante et régulière. Son niveau d'eau ne cesse de baisser sous l'effet de la terrible sécheresse en Éthiopie, associée à l'évaporation et aux fuites.