Vache folle, la grande peur de l'an 2000

Quatorze ans après son apparition dans la verte campagne anglaise et une décennie après son émergence sur le sol français, la maladie de la vache folle n'a jamais été autant d'actualité. L'année 2000 aura ainsi été marquée par une série de décisions et de controverses sur fond de psychose internationale et de désaffection profonde et durable des consommateurs pour la viande bovine.

Crise de la vache folle ? La vérité impose de rappeler qu'en réalité c'est la troisième fois que l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) fait parler d'elle. Tout le monde ou presque a oublié la crise de 1990 lorsque, au plus fort de l'épidémie britannique, une alliance entre la France et l'Allemagne avait conduit à un premier embargo sur les viandes bovines du Royaume-Uni. Il y eut ensuite la déjà célèbre crise majeure de 1996 née de l'annonce solennelle faite par le ministre de la Santé du gouvernement de John Major que, contre toutes les prévisions, l'agent pathogène responsable de l'ESB pouvait bel et bien contaminer l'espèce humaine.

Une augmentation des victimes

Le nombre des victimes britanniques de la variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob n'a, depuis, cessé d'augmenter, tout comme celui des cas bovins français. Le gouvernement d'Alain Juppé puis celui de Lionel Jospin ont continué à prendre une série de mesures de précaution, suivant en cela les avis documentés du Comité des experts français des maladies à prions que préside le professeur Dormont. Malgré l'opposition de la Commission européenne, Paris a décidé, à la fin 1999, de maintenir un embargo sur les produits bovins britanniques. Rien, en d'autres termes, ne permettait de prédire l'arrivée de cette nouvelle crise, pas plus que l'ampleur qu'elle devait prendre en quelques semaines.

Une relecture des multiples écrits sur la maladie de la vache folle montre que, contrairement à ce que l'on imagine généralement, la problématique de cette affaire était pour l'essentiel connue. « Faute d'une expression scientifique plus exacte, on retiendra celle de “l'épidémie des vaches folles”, les spécialistes vétérinaires parlant, quant à eux, d'“encéphalopathie spongiforme bovine” ou “bovine spongiform encephalopathy”. Cette nouvelle maladie des bovins, à l'issue toujours fatale, est à l'origine depuis peu, en Grande-Bretagne, sinon d'une véritable psychose collective, du moins d'une inquiétude généralisée et grandissante dans l'opinion publique. Compte tenu de ses considérables enjeux sanitaires et économiques, elle alimente aussi une très vive controverse chez les responsables politiques, écrivions-nous dans les colonnes du Monde en mai 1990. Depuis trois ou quatre ans, 13 000 bovins ont été abattus dans près de 6 000 fermes du Royaume-Uni et leurs cadavres ont été brûlés. Il y a quelques mois, on recensait 150 nouveaux cas de BSE par semaine, ce taux ayant presque doublé le mois dernier. Des cas de BSE ont, par ailleurs, déjà été signalés en Écosse et en Irlande, dans les îles de Jersey, Guernesey et Man, ainsi que dans le sultanat d'Oman. »

Nous expliquions alors que de l'avis général des spécialistes cette flambée épidémique faisait suite à l'apparition des premiers cas d'ESB en novembre 1986 chez des bovins du Royaume-Uni, que plus de 3 000 troupeaux avaient été contaminés dans toute l'Angleterre (soit un cas pour 1 000 vaches adultes, et jusqu'à 400 cas par mois) et que dans certaines régions du sud de l'Angleterre on avait pu noter jusqu'à 18 % des troupeaux atteints.

On savait d'ores et déjà que les symptômes de cette affection n'apparaissaient qu'après une longue période d'incubation, que la maladie se caractérisait par des troubles nerveux touchant à la fois l'appareil sensitif et moteur évoluant progressivement vers la mort de l'animal et que, en pratique, l'attention des éleveurs était presque toujours attirée par une modification du comportement de l'animal, soudainement étrangement craintif, refusant dans le même temps de se plier aux ordres et réagissant dans certains cas violemment par des coups de pied.