Plus étonnant encore : il y a quelques années, ce sont précisément des fragments d'ADN vieux de plus de 30 000 ans qui ont, à leur tour, livré leur secret. De l'ADN humain en provenance non pas de nos ancêtres directs mais... de l'homme de Neandertal ! Grâce aux progrès de la biologie moléculaire, ses ossements ont en effet livré des fragments génétiques suffisamment bien conservés pour pouvoir être « lus », et comparés à leurs équivalents chez l'homme de Cro-Magnon (c'est-à-dire nous). Menée à l'université de Munich (Allemagne) sous la direction du Suédois Svante Pääbo – l'un des « pères » de l'étude de l'ADN ancien –, l'étude génétique a porté sur une petite séquence d'ADN mitochondrial. Les chercheurs ont démontré que celle-ci présentait un degré de divergence avec ses homologues modernes trois fois plus élevé que celui que l'on observe entre les populations humaines actuelles les plus éloignées. Conclusions des biologistes : Homo sapiens neandertalencis et Homo sapiens sapiens sont deux espèces distinctes, qui se sont sans doute séparées sur l'échelle de l'évolution il y a environ 600 000 ans. Ni ancêtre, ni frère de l'homme moderne, le célèbre primitif au chignon crânien, qui occupa l'Europe entre 100 000 et 30 000 ans, était peut-être aussi apte que Cro-Magnon à conquérir le monde. Mais il aura trébuché en cours de route.

Ainsi l'ADN, pas à pas, remonte-t-il le temps... Jusqu'où nous mènera-t-il ? Peut-être jusqu'à notre mère à tous. En comparant les gènes mitochondriaux de divers peuples contemporains, l'équipe américaine d'Alan Wilson – autre précurseur de ce type de recherches, mort en 1991 – avait émis l'hypothèse, à la fin des années 1980, d'une « Ève africaine », « mère » de tous les hommes modernes, qui aurait vécu il y a 150 000 à 200 000 ans. Depuis, les généticiens ont précisé ce scénario : à la lecture de l'ADN, affirment-ils, tous les Homo sapiens archaïques non africains (Neandertal compris) ont été supplantés il y a moins de 100 000 ans par des descendants de cette « Ève ». À suivre...

Le génome humain décrypté

Les généticiens ont entrepris de décrypter le génome humain dans l'espoir de connaître les gènes (séquence d'ADN) responsables des maladies génétiques et de les traiter. À la fin des années 1960, seuls quelques gènes étaient localisés. Assimilés à des ingénieurs du gène, les biochimistes ont alors à leur disposition les techniques et les outils leur permettant de manipuler la molécule d'ADN, l'extraire, la traiter, la découper, en insérer des morceaux dans le noyau d'autres cellules... C'est le génie génétique. Dans les années 1980, la génétique devient une science d'intérêt industriel et commercial majeur grâce à l'élaboration de substances médicamenteuses par l'intermédiaire de micro-organismes. Aujourd'hui, le processus s'est accéléré avec les automates et l'informatique de haut niveau qui ont avancé la fin du séquençage du génome de quinze ans. Il sera achevé en 2001.

Catherine Vincent
Journaliste au Monde