Journal de l'année Édition 2001 2001Éd. 2001

Le « oui » de Jospin au clonage thérapeutique

Cette décision fait partie d'un ensemble de modifications des lois de bioéthique de 1994. Prévues dès l'origine pour être effectuées dans un délai de cinq ans, ces révisions font suite à un rapport du Conseil d'État. En raison de la rapidité des avancées scientifiques et de l'évolution de la société, le gouvernement se devait de faire évoluer les lois dans des domaines aussi pointus de la biologie humaine que la procréation assistée, le don d'organes et la recherche sur l'embryon. Seul le clonage reproductif humain reste interdit.

Parmi toutes les modifications annoncées, celle qui déjà entraîne de houleux débats, et pas seulement en France, concerne le clonage thérapeutique, l'un des pans de la recherche sur l'embryon. Celle-ci sera dorénavant autorisée dans la mesure où elle devrait permettre d'améliorer les techniques de procréation médicalement assistée et de mettre au point de nouveaux traitements à partir de cellules souches (thérapie cellulaire), c'est-à-dire capables de se muer en n'importe quelle cellule du corps (musculaire, nerveuse, épithéliale, gastrique...). C'est le cas des cellules embryonnaires.

La thérapie cellulaire suppose de disposer d'une source de cellules souches. Il est proposé qu'elles soient fournies par les embryons surnuméraires issus de processus de procréation assistée et faisant l'objet d'un abandon de projet parental. Une autre source est envisagée par le gouvernement : la création d'embryons spécifiquement pour la recherche par clonage thérapeutique. Cette technique consiste à réorienter des cellules embryonnaires pour obtenir des cellules différenciées immuno-compatibles avec celles du malade. En pratique, on remplace le matériel génétique (noyau) d'un ovocyte (cellule sexuelle femelle non mature) par celui de la cellule adulte à reproduire. L'ovocyte est maintenu in vitro jusqu'au stade blastocyste (état de développement d'un embryon avant son implantation dans la paroi utérine). Puis les cellules obtenues sont mises en culture. L'objectif est, à long terme, de traiter des patients atteints de maladies dues à des lésions cellulaires (Alzheimer, Parkinson, brûlures, diabète, chorée de Huntington...).

Le statut de l'embryon

Le débat éthique tient surtout à l'origine des cellules souches et au statut de l'embryon. En Europe, les avis divergent : en Allemagne, en Suisse et en Autriche, l'utilisation de l'embryon pour la recherche est interdite et assortie de sanctions pénales ; au Royaume-Uni et au Danemark, la création d'embryons pour la recherche est autorisée. Et le Parlement européen vient de refuser le clonage thérapeutique. La position du gouvernement français a le mérite d'étayer un débat qui divise aussi le monde scientifique. L'avant-projet sera soumis à l'avis du Comité national d'éthique et de la Commission nationale des droits de l'homme, examiné par le Conseil d'État en février 2001 puis mis à l'ordre du jour du Conseil des ministres en mars et discuté au Parlement au deuxième trimestre 2001.

S. L.

Les lois de 1994 revues

Le 28 novembre, en ouverture des journées annuelles du Comité consultatif national d'éthique, le Premier ministre, Lionel Jospin, a livré les grandes lignes de l'avant-projet de révision des lois de bioéthique de 1994.

Outre la recherche sur l'embryon, la loi de 1994 n'autorisait pas le transfert d'embryons post mortem, c'est-à-dire qu'une démarche de procréation assistée entamée par un couple stérile était annulée en cas de décès du père. Or, le législateur s'est retrouvé confronté à des veuves souhaitant réaliser ce dernier projet de vie fait avec leur mari. La révision de la loi prévoit que le transfert d'embryon est autorisé sous de strictes conditions et s'il repose sur un projet parental affirmé.

Par ailleurs, le don d'organes est assoupli en élargissant le cercle des donneurs potentiels aux concubins et ce, en l'absence de caractère d'urgence.

Enfin, une haute instance chargée « d'anticiper et d'organiser le suivi permanent des découvertes et des techniques » doit être créée.