De sales petites guerres

Le siècle se termine comme il avait commencé : par de sales petites guerres et des accès de fièvre terroriste. Les affrontements du Kosovo en 1999 ne sont pas sans rappeler la guerre des Boers. Entrée dans sa deuxième année en janvier 1900, elle oppose l'armée britannique aux Afrikaners et durera jusqu'en 1902.
En Asie, le conflit que déclenche le référendum sur l'indépendance de Timor en août 1999 a un antécédent, au moins géographique, avec la révolte des Boxers, en juin 1900, contre la présence des étrangers en Chine. Dans les deux cas, les violences ne cessèrent qu'avec l'intervention d'un corps expéditionnaire international.

Les attentats ne sont pas moins spectaculaires. En 1999, la menace terroriste est surtout islamiste : les Algériens, qui sont arrêtés à la frontière canadienne en décembre, comptaient faire sauter des objectifs dans plusieurs villes des États-Unis. En 1900, les terroristes étaient des anarchistes : à quelques mois de distance, ils assassinent le président américain William McKinley et le roi d'Italie Humbert Ier.

Une coexistence impossible

Lorsque le 24 mars les avions de l'OTAN lâchent leur premières bombes sur les troupes serbes au Kosovo, Slobodan Milosevic n'est sûrement pas surpris. Tout au long de la conférence de Rambouillet, qui avait débuté le 9 février, les avertissements n'avaient pas manqué. Les Occidentaux avaient clairement indiqué que, si Milosevic poursuivait sa politique de nettoyage ethnique pour vider le Kosovo de sa majorité albanaise, la sanction ne serait plus seulement économique. Comme en 1995, quand les aviations de l'Otan avaient fini par intervenir pour imposer la paix en Bosnie, il y aurait des représailles militaires. La guerre pour le Kosovo n'est pas une guerre en dentelles. Sous les bombes, les Serbes poursuivent la chasse aux Albanais. Ces tueries sont conçues comme des exemples : il s'agit de faire peur pour que les habitants de la province s'enfuient de l'autre côté des frontières, en Albanie ou en Macédoine. Ployant sous le poids d'un million de réfugiés, toute la région risque de succomber à la déstabilisation.

L'OTAN, qui affirme mener un combat moral pour les droits de l'homme, voit son image se ternir au fur et à mesure de l'escalade des opérations. Les bavures s'accumulent. Exemple : des tirs de missiles contre un pont frappent un train qui le traversait, faisant 25 morts. Au bout de 72 jours, Slobodan Milosevic présente sa reddition. Mais, au Kosovo, rien n'est réglé. Il y a trop de sang entre les deux communautés pour que la coexistence puisse se rétablir.

Mêmes causes, mêmes effets à Timor-Est. Profitant de la chute du président Suharto, l'année précédente, l'ONU obtient l'accord de l'Indonésie pour que les habitants de la partie orientale de Timor puissent choisir entre autonomie et indépendance. Ancienne colonie portugaise annexée par Jakarta en 1974, ce territoire, de religion chrétienne dans un pays presque totalement musulman, ne s'était jamais résigné à la domination indonésienne. Mais Jakarta ne tient pas les promesses faites à l'ONU. Comme au Kosovo, des milices, qui sont encouragées par l'armée, terrorisent la population : 200 000 des 800 000 habitants s'enfuient dans les îles voisines. Tueries, incendies, pillages aboutissent à vider la capitale, Dilli. L'armée, sachant que le référendum est perdu d'avance, veut adresser un avertissement aux centaines d'îles qui constituent l'Indonésie. En clair, la revendication d'indépendance ne peut conduire qu'à la ruine. Le 30 août, les électeurs ne se laissent pas intimider. Ils votent pour l'indépendance à une majorité écrasante. En représailles, les milices se déchaînent. Le 15 septembre, le Conseil de sécurité de l'ONU décide l'envoi d'une force internationale sous le commandement d'un général australien. Comme au Kosovo, un accord avec Jakarta prévoit que l'armée et les milices se retireront tandis que les « casques bleus » arriveront.

Des horreurs sans frontière

Les pires horreurs, c'est l'Afrique qui en donne l'exemple. En Sierra Leone, théâtre d'une guerre civile qui se poursuit depuis huit ans, les rebelles n'ont d'autre loi que celle de la machette. Quand ils s'emparent d'un village, ils amputent systématiquement hommes, femmes et enfants. Seule alternative : « manche longue ou manche courte », la machette coupe soit au niveau du poignet, soit au niveau du coude. La reprise des combats entre les Tchétchènes et Moscou est accompagnée, comme lors de la première guerre trois ans plus tôt, d'exactions des deux côtés. Ce sont les Tchétchènes qui reprennent les hostilités en août : rêvant d'unifier tous les peuples musulmans sur le versant russe du Caucase, ils attaquent au Daguestan – république autonome comme la Tchétchénie, mais qui, comme cette dernière, fait partie intégrante de la Russie. L'armée russe riposte sans faire de quartier.