Journal de l'année Édition 2000 2000Éd. 2000

La réouverture récente du mausolée de Mao témoigne de cette volonté des autorités de Pékin de ranimer dans la société le culte en déshérence des icônes du communisme, pour conjurer les effets pervers de ce retour aux sources de la Chine. Mais c'est surtout dans une fuite en avant nationaliste, dont Taïwan est la cible régulièrement désignée, que le PC compte mobiliser la société chinoise et en canaliser les courants contestataires. La destruction en mai par des avions de l'OTAN de l'ambassade chinoise à Belgrade avait ainsi permis au régime d'orchestrer un vaste mouvement populaire défendant l'honneur bafoué de la Chine contre les États-Unis. Quatre ans après avoir avalé Hongkong, la Chine populaire ne s'est pas rendue au monde capitaliste et désigne la « réunification pacifique » avec Taïwan comme son prochain objectif. Ses dirigeants, comme le Premier ministre Zhu Rongji aux États-Unis en juillet ou le président Jiang Zemin en Grande-Bretagne et en France en octobre, sont reçus comme les représentants d'une grande puissance et si les violations des droits de l'homme, la répression au Tibet, les exécutions capitales expéditives lui valent des rappels à l'ordre, la Chine n'en est pas moins activement courtisée, notamment par Washington qui reconduit régulièrement la clause de la nation la plus favorisée et lui ouvrait les portes de l'OMC en octobre. La crise économique et financière qui a frappé l'Asie invite en revanche le régime chinois à plus de modestie. Dans son discours du cinquantenaire, Jiang Zemin avait une nouvelle fois fait l'apologie du « socialisme aux caractéristiques chinoises », mais en précisant qu'il fallait encore « un demi-siècle » pour achever la modernisation. C'est peu, au regard de « 5 000 ans d'histoire » exaltée par le président chinois, mais beaucoup pour le peuple chinois aspirant à la démocratie au terme de cette trop longue marche.

Gari Ulubeyan

Taïwan face au nationalisme de Pékin

Le défilé militaire de Pékin alignait le missile balistique DF 31, testé en août et capable d'atteindre la rive pacifique des États-Unis, mais aussi des missiles à courte portée qui visent Taïwan. Si l'île est à une portée de missiles du continent, elle manifeste une volonté d'indépendance qui s'est traduite en juillet par la déclaration du président Lee Teng-hui qui souhaitait pouvoir traiter avec Pékin dans une « relation spéciale d'État à État ». À l'origine d'une crise dont Pékin avait profité pour annoncer s'être dotée de la bombe à neutrons, ces propos faisaient dire à Zhu Rongji, le 30 septembre, que l'« on irait à la guerre si le soutien américain à Taïwan conduisait les Taïwanais à choisir l'indépendance ». Mais l'indépendance de fait est acquise depuis le 1er octobre 1949 pour Taïwan, qui considère la Chine communiste comme une entité étrangère n'ayant aucun droit particulier sur l'île, même pas celui de l'aider, lorsqu'elle a été frappée par le violent séisme de septembre.