Journal de l'année Édition 2000 2000Éd. 2000

L'accord final prévoit aussi des engagements sur l'organisation du pôle chimie dont hérite TotalFina et un aménagement des structures dirigeantes dans le sens de la parité, qui n'ira toutefois pas jusqu'à la bicéphalie. M. Desmarest a répété qu'il n'y avait pas de place pour deux dans le nouveau groupe pétrolier. Il n'y avait pas non plus de place pour deux groupes pétroliers en France, et cette idée a contribué en grande part au consensus qui a accueilli une fusion censée garantir la compétitivité de la France sur le marché international. Sans signer un chèque en blanc à Total, dont le projet prévoit 4 000 suppressions d'emplois – dont 2 000 en France « sans licenciement contraint » – sur les 140 000 salariés du nouveau groupe, les pouvoirs publics et les syndicats, tout en appelant à la vigilance sur le volet social, se sont montrés généralement favorables à cet accord qui a donné le jour à un géant « hexagonal », exemplaire, selon les milieux d'affaires, de la vitalité d'un capitalisme français moderne capable désormais de régler ses problèmes sans l'intervention de l'Etat.

Des actions à la hausse

Le caractère national du nouveau groupe mérite toutefois d'être relativisé, TotalFina résultant lui-même d'un premier mariage entre Total et le Belge Pétrofina. Comme la plupart des grandes entreprises françaises, le nouveau groupe sera dominé par les intérêts étrangers, singulièrement anglo-saxons, et cette tendance, obéissant aux impératifs de la mondialisation, devrait se confirmer par de nouvelles alliances, comme en témoigne dès maintenant le rapprochement avec le groupe italien ENI. C'est à ce prix que TotalFina-Elf pourra espérer maintenir son rang encore modeste derrière les trois géants mondiaux de sa catégorie – Exxon-Mobil, Shell et BP-Amoco-Arco –, dans un contexte déprimé par la chute des cours du brut. La contre-offensive d'Elf aura surtout profité à ses actionnaires, qui, au terme de 10 semaines de guérilla boursière, se voient proposer par TotalFina 19 de ses actions contre 13 d'Elf Aquitaine, au lieu de 4 pour 3 d'Elf lors de sa précédente offre. La nouvelle offre courra jusqu'à sa clôture début octobre, M. Desmarest remplaçant alors M. Jaffré à la tête du nouveau groupe dont la Commission européenne de la concurrence devait encore statuer sur la légitimité de la « fusion amicale » qui lui donna naissance. TotalFina-Elf se donne jusqu'à la fin de l'an 2000 pour mener à bien les différents chantiers concernant l'exploration-production, le raffinage-distribution et l'organisation du nouveau pôle chimique, un défi dont dépend la compétitivité du nouveau groupe, qui est loin derrière ses concurrents mondiaux.

Georges Chevron