Journal de l'année Édition 2000 2000Éd. 2000

Les élections en Afrique du Sud

Les deuxièmes élections multiraciales en Afrique du Sud le 2 juin suscitent moins de passion que celles de 1994 qui avaient consacré la fin de l'apartheid. En effet, elles sont sans surprise et, dès avant le scrutin, les sondages créditent le Congrès national africain (ANC) de 59 à 65 % des intentions de vote et prévoient l'élection du vice-président sortant Thabo Mbeki, âgé de 56 ans. Seul point d'interrogation de l'élection : les résultats dans les deux provinces du Cap et du Kwazulu-Natal dans lesquelles l'électorat métis pèse d'un poids lourd et qui avaient, en partie pour cette raison, échappé à l'ANC lors des dernières élections.

L'élection du président Mbeki à une forte majorité confirme le poids de l'ANC. Le parti de Mandela obtient 266 sièges sur 400 à l'Assemblée et manque d'un siège la majorité des deux tiers. La seconde place revient au Parti démocrate (DP, opposition) avec 38 sièges, le nouveau Parti national n'arrivant qu'en quatrième place avec 28 sièges. En Afrique du Sud, on élit d'abord le Parlement, qui investit ensuite le président de la République. Cette fois-ci, le vote n'a même pas été nécessaire. L'ANC disposant d'une large majorité, l'élection du chef du parti était jouée d'avance et devait simplement être entérinée. Là encore l'événement était plutôt solennel. Pour la dernière fois, Nelson Mandela apparaissait en public.

Le nouveau président sud-africain est une figure de l'ANC. Issu d'une famille pauvre, il apparaît comme un personnage cultivé, collectionneur de diplômes étrangers. Titulaire d'une maîtrise en économie décrochée en Angleterre, il part pour l'Institut des sciences sociales de Moscou, puis devient pensionnaire d'une école militaire. Peu à peu il gravit les échelons de l'ANC, parti alors en exil, et devient ministre des Affaires étrangères en 1989. Perçu comme un « diplomate lisse », il s'illustre comme bras droit de Mandela, alors emprisonné, notamment dans les tractations à l'étranger pour mettre fin à l'apartheid.

Une élection sans surprise

Dans un paysage politique assez stable, l'élection est importante. Personne n'oublie que c'est le suffrage universel qui a permis la révolution cinq ans plus tôt et mis fin à la ségrégation comme système de gouvernement. De manière assez schématique, les partis d'opposition à l'ANC, qui peuvent se réclamer de l'électorat blanc, sont toujours émiettés, minoritaires et ne sont pas en mesure d'imposer une véritable alternative à ce qui est devenu le parti de gouvernement. Les leaders de l'opposition sont le Parti démocrate et le nouveau Parti national. Même si l'un et l'autre jouent les ennemis jurés, et que le Parti national, l'ancien parti de Frederik De Klerk et l'héritier des fondateurs de l'apartheid, se démarque dans les mots d'un Parti démocrate jugé rétrograde, leur ligne électorale est sensiblement la même : remédier de manière urgente au déclin économique et social de l'Afrique du Sud et s'attaquer au « racisme à l'envers » de l'ANC. La hausse de la criminalité est, dans les deux cas, placée au cœur des deux campagnes. Sur les tracts du Parti national, on peut lire : « Qu'on pende les violeurs et les meurtriers. » Ces partis ne représentent pas une menace pour l'ANC, même si le Parti démocrate arrive en seconde position à l'Assemblée et qu'il devienne le leader de l'opposition. Quant au tout nouveau petit parti, créé par un ancien de la fédération de rugby, il ne dépasse pas 1 % des suffrages exprimés. Même sanction pour le Freedom Front, parti des Afrikaners. Sans surprise, la deuxième élection apparaît plus organisée. Cinq ans plus tôt, il suffisait à toute personne, même un résident à l'étranger, de présenter une pièce d'identité pour voter. Cette fois-ci, une liste électorale avec 18,2 millions de votants (1,3 million de moins) a été établie. Une fois les résultats proclamés, l'investiture de T. Mbeki, simple formalité, a lieu le 16 juin, jour anniversaire du soulèvement de Soweto en 1976.

Acquis et enjeux de l'après Mandela

N. Mandela se retire à l'âge de quatre-vingts ans après avoir assis une démocratie multiraciale solide et normalisé les mœurs politiques. Certains parlent de retraite prise à temps, afin de conserver intacte l'image de l'homme qui restera dans l'histoire comme celui qui a su mettre à bas l'apartheid. Quoi qu'il en soit, il part avec le sentiment d'avoir « donné tort aux prophètes de malheur », même si les difficultés qui attendent la nouvelle équipe sont rien moins qu'importantes. En effet, celle-ci doit affronter des inégalités économiques persistantes entre Blancs et Noirs (avec un chômage qui touche 42 % des Noirs et 4 % des Blancs) et une société fragilisée par la montée de la corruption et de la criminalité.