Saluons la réussite d'un jeune couple anversois, A.F. Vandevorst (An Vandevorst et Filip Arickx), qui présente sa quatrième collection au bord d'une piscine. Étoffes aux couleurs tendres, jarretelles infiltrées dans un pantalon, robe de chair portée avec un pantalon à paillettes illustrent un travail discret sur la séduction au féminin comme au masculin. Martine Sitbon est la grande prêtresse de la lacération et du déchiquetage organisé. Elle traite la robe comme on le ferait d'un tableau, à coups d'à-plats géométriques. Elle voudrait qu'une robe devienne un T-shirt, elle ramasse les volumes, rétrécit les gabarits pour viser plus de sensualité. Sa mode masculine démontre autant de rigueur et de tendresse. Thierry Mugler décline dans le prêt-à-porter ses « plissés contrôlés du soir » sous forme de combinaison ou de robe bustier en crêpe fluide. Il manie la matière, ourlant ses modèles de pantalons de zouave en taffetas technique ou en voile de lin azur. Deuxième saison chez Yves Saint Laurent Rive Gauche pour Albert Elbaz. Difficile succession. En bon styliste, il ne lésine pas sur les effets : python sur trench et pochette géante. Avant de griffonner une tenue, Yves Saint Laurent esquissait une femme, une allure. Quand Elbaz veut donner du piquant, il glisse vers un sex-appeal plus lourd, témoin ses maillots de bain en crêpe de Chine drapé. N'est pas impertinent qui veut. Yohji Yamamoto dessine, lui, le futur au fil de vêtements coupés dans des toiles de patronage. Tout est léger, du drapé. Enfin, parmi les jeunes, Éric Bergère transforme le Carrousel du Louvre en studio de danse. « Pour l'été 2000, j'ai voulu une femme énergique, entre la danseuse de cabaret de Broadway et les étoiles de l'Opéra Garnier. » Au vêtement mode d'emploi, il préfère « les silhouettes qui n'entravent pas le mouvement avec des manches qui dégagent les épaules, des liens qui flottent ».

Prêt-à-porter : l'homme de l'an 2000

Chez l'homme de l'an 2000, le sport et le voyage donnent le ton. Nomade, il jette par-dessus bord le costume classique. À lui les vêtements modulables réalisés dans des matières modernes, assez fluides pour ne pas le gêner dans ses mouvements. La nouvelle collection d'Ermenegildo Zegna, qui faisait appel à des athlètes de l'équipe nationale de gymnastique roumaine chorégraphiés par l'Américain David Parsons, a parfaitement illustré ce « sport déambulatoire ». Les tenants de la simplicité sont d'ailleurs italiens – Prada Sport, Armani, Trussardi, Cerruti – ou japonais – Yohji Yamamoto. Ils privilégient le confort absolu d'une ligne « sport urbain » EWEL (easy-wear, easy living) et atemporelle, dépourvue de références à l'histoire et à l'époque. Plus « fusionnelle », la nouvelle ligne Burberry instille une dose d'excentricité dans son style british traditionnel. Carrément picaresques, Jean-Paul Gaultier, qui propose des silhouettes empruntées à Gauguin plongées dans un lagon de Tahiti, Gucci ou Versace bousculent les tenants de la simplicité minimaliste. Entre les deux, des vêtements dans les tons neutres – blanc, noir, kaki, sable, grège – qui ne demandent qu'à être portés tous les jours : le sport habillé de Véronique Nikachian pour Hermès, le hippie chic de Dominique Morlotti pour Lanvin, le classicisme absolu de Patrick Lavoix pour Dior, le luxe jeune de Mark Jacobs pour Vuitton, les doux mélanges de formes de Kenzo, la veine coloriste de Paul Smith ou le patchwork multicolore de Comme des garçons.

Valentine Félix