Pour l'heure, cette opération de restauration de l'ordre républicain en Corse est approuvée par la grande majorité de la population de l'île, encore choquée par la mort du préfet Erignac. Un soutien indispensable pour que la loi de la République remplace celle du silence. Même si les assassins du préfet courent toujours.

Bernard Mazière

Vingt ans de troubles

La dérive des institutions en Corse n'est pas un phénomène nouveau. Depuis août 1975 et la tragique fusillade d'Aléria, tous les ministres de l'Intérieur, de Pierre Joxe à Charles Pasqua, en passant par Jean-Louis Debré ou Jean-Pierre Chevènement, ont tenté, pour l'enrayer, un cycle répression-négociations avec les nationalistes. Sans succès. De multiples rapports de différentes commissions, parlementaires ou non, ont tous conclu à l'urgence de la situation sans plus de résultats. Dans une note confidentielle adressée à François Mitterrand, en 1991, Michel Charasse, ministre du Budget, écrivait : « L'île semble, aujourd'hui, prête à tomber entre les mains d'une sorte de mafia, et, face à un État qui rentre dans sa coquille, nationalisme et mafia ne feront bientôt qu'un. » Six ans plus tard, un rapport de l'Inspection générale des finances, rendu public au cours de l'été 1997, concluait que la Corse « ne vit pas dans un État de droit, ce qui est désastreux pour son développement ». Peu de temps avant d'être nommé ministre de la Fonction publique, au printemps de la même année, Émile Zuccarelli, alors député et maire de Bastia, affirmait publiquement : « Il est clair que, depuis vingt ans, la police et la justice n'ont jamais fonctionné en Corse ». Autant d'avertissements qui sont restés lettres mortes. Attentats et systèmes claniques en déliquescence restaient le lot commun de la Corse.