Ben Gourion

Le souffle de la crise asiatique en Amérique latine

Les pays d'Amérique latine, pour une fois soudés dans l'adversité, ont protesté, lors du sommet du Groupe de Rio, les 4 et 5 septembre, contre l'indolence des pays industrialisés (le G 7), auxquels ils ont reproché de laisser s'étendre la tourmente financière à des régions qui n'ont aucune responsabilité dans les crises russe et asiatique.

À la différence des réunions antérieures du Groupe de Rio – tous les pays sud-américains plus le Mexique et le Panama –, dont les communiqués ne sont habituellement qu'une longue litanie de vœux pieux, le 12e sommet de Panama a relégué au second plan les considérations de politique générale. Il est vrai que tous les participants ont, peu ou prou, senti le souffle venu d'Asie de la crise monétaire, financière et économique menacer un développement qui, pour être contrasté, n'en demeure pas moins fragile. Si le Mercosur, le marché commun sud-américain qui réunit le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay, le Paraguay et deux États associés, la Bolivie et le Chili, est devenu une réalité économique, politique et commerciale, il reste que les deux pays qui en sont l'ossature – l'Argentine et le Brésil – ont montré leur fragilité au prisme de la crise qui a secoué l'Asie après la dévaluation aux effets domino de la monnaie thaïlandaise en juillet 1997. Ainsi le Brésil a vu sa monnaie, le real, pour le moins bousculée ; et la volonté affichée du président Fernando Cardoso de maintenir son programme de stabilisation n'est pas dénuée de risque d'entraîner le pays dans la récession. Ce qui ne ferait pas les affaires de l'Argentine, dans la mesure où Buenos Aires trouve dans le marché brésilien quelque 30 % de ses exportations. Ébranlées donc par la tempête financière asiatique et par l'effondrement de l'économie russe, les jeunes démocraties latino-américaines doivent faire face à un autre chantier, important aussi, celui de la dette sociale.

La dette sociale

Commun dénominateur des pratiques économiques de tous les pays de la région, les réformes économiques et les privatisations n'ont pas réussi à faire reculer la pauvreté. Sans doute le continent le plus inégalitaire, l'Amérique latine est loin de s'être installée dans la prospérité – ce que voudraient accréditer les États-Unis – et pourrait bien perdre le fil de la croissance – ce qui serait un effet de la grippe asiatique.

P. F.

L'effet Tequila

L'effet tequila, consécutif à la dévaluation du peso mexicain en décembre 1994, aurait presque été oublié si le crash asiatique n'était pas venu ébranler des économies dont la solidité structurelle est moins assurée qu'il n'y paraît. À cet égard, le cas du Mexique est emblématique. Les effets conjugués de la chute des cours du pétrole et des turbulences des marchés financiers internationaux ont fini par avoir raison de l'optimisme du gouvernement du président Ernesto Zedillo. Alors que les autorités avaient promis une récupération du pouvoir d'achat en 1998, le ministère des Finances a dû concéder que les deux prochaines années seront placées sous le signe d'une « stricte discipline fiscale ». Au Mexique, comme dans tous les pays d'Amérique latine, le sentiment dominant est celui d'avoir été fort mal récompensé par la communauté internationale pour avoir appliqué des plans d'ajustement particulièrement sévères.

La reprise en Europe : de l'euphorie à l'incertitude

Malgré la crise mondiale, l'année 1998 s'est terminée par une croissance moyenne d'environ 2,7 % pour l'Europe. Mais les craintes d'un ralentissement n'étaient pas écartées.

Après une décennie gâchée, la reprise économique de 1997-1998 a été accueillie par les Européens comme une formidable promesse. En France, en Allemagne et dans la plupart des pays d'Europe continentale, le chômage a enfin reculé mois après mots. Malgré la crise financière mondiale, l'Europe a réussi à faire redémarrer son moteur « interne » : la consommation et l'investissement. Au moins jusqu'à l'automne, chaque indicateur économique a confirmé la solidité de la reprise. Tous les pays n'ont pas connu la même fortune. La croissance n'a pas dépassé 2 % en Italie ou en Grande-Bretagne, alors qu'elle était supérieure à 3 % aux Pays-Bas, en Espagne ou en France (et qu'elle frisait les 8 % en Irlande !). En moyenne, l'activité de l'ensemble de l'Europe a progressé d'environ 2,7 %.

La crise planétaire

Petit à petit, pourtant, les nuages se sont accumulés sur cette belle croissance retrouvée. On s'est rendu compte que l'Europe était désormais, dans le monde, la seule zone en phase de croissance. Et qu'elle ne pouvait donc compter que sur elle-même pour éviter que la croissance ne retombe comme un soufflé en 1999. La perspective de la monnaie unique, qui a permis de préserver le système monétaire européen des turbulences financières venues d'Asie, ne peut en effet servir de rempart absolu contre une crise planétaire. Cette dernière affecterait l'Europe par trois canaux : les exportations, la psychologie, la finance.