Québec, victoire en demi-teinte du parti québécois

Appelés à renouveler leur représentation parlementaire, les électeurs du Québec ont plébiscité le Premier ministre sortant, Lucien Bouchard, mais aussi limité sa marge de manœuvre, comme le montre le bon score des fédéralistes. Aussi l'indépendance de la Belle Province, projet phare du Parti québécois qui n'entend donc pas renoncer, paraît-elle bien compromise.

En portant majoritairement leurs voix, le 30 novembre, sur les candidats-députés présentés par le Parti québécois (PQ) – qui a remporté 75 sièges contre 48 pour le Parti libéral du Québec (PLQ) –, les électeurs auront surtout confirmé la confiance qu'ils avaient placée jusqu'à présent en Lucien Bouchard.

La victoire d'un homme de conviction

Nul doute que ce dernier a accueilli le résultat de la consultation avec soulagement, après avoir déclaré, fin octobre, que le scrutin de novembre serait le « combat politique » le plus important de sa vie. Une vie riche en rebondissements pour celui qui avait accédé au poste de Premier ministre du Québec après la démission de Jacques Parizeau, au lendemain de l'échec du vote référendaire sur la souveraineté de la Belle Province, en 1995. Considéré par l'ensemble de la classe politique comme un homme de conviction, fort d'un charisme et d'un sens de la communication que nul ne lui conteste, M. Bouchard bénéficiait déjà d'une popularité exceptionnelle bien avant avoir quitté la scène politique fédérale.

La victoire du PQ offre au Premier ministre les moyens de gouverner la Belle Province. Le « oui » des Québécois au PQ inclut en effet un « oui » à un gouvernement provincial fort vis-à-vis d'Ottawa, et, en matière de relations entre le Québec et Ottawa, la population de la province a clairement dit qu'elle faisait davantage confiance à L. Bouchard qu'au libéral Jean Charest pour défendre les intérêts du Québec au sein de la Fédération canadienne.

Le vote en faveur de l'équipe sortante a offert à M. Bouchard pleine autorité pour achever le redressement des finances publiques, dans la perspective de dégager à court terme des surplus oui devraient être affectés en priorité à un allégement du fardeau fiscal, d'une part, et à de nouveaux crédits en matière de santé et d'éducation, d'autre part. Au cours de la campagne électorale, M. Bouchard s'est engagé à remettre sur les rails une réforme du système de santé qui, au cours des mois précédant le scrutin de novembre, a connu de très sérieux problèmes de mise au point. Il est vrai que, si l'année économique 1998 a été exceptionnellement bonne, le millésime social 1998 a fortement ressemblé à celui de l'année précédente : on a en effet beaucoup manifesté au Québec pour protester contre la réduction des dépenses publiques provinciales, touchant entre autres l'aide sociale, la fonction publique, la santé et l'éducation.

Une marge de manœuvre limitée

De façon plus générale, les électeurs ont choisi de reconduire le Premier ministre afin qu'il puisse poursuivre l'action gouvernementale engagée par le PQ en 1994 sous la houlette de Jacques Parizeau. Pour autant le PQ est loin de disposer d'une grande marge de manœuvre dans la mesure où le bon score réalisé par les candidats fédéralistes lui interdit d'envisager avec sérénité l'avenir d'un Québec affranchi, enfin, selon leurs vœux, de la tutelle d'Ottawa. Ainsi, les électeurs n'ont accordé que 42,9 % de leurs voix au PQ, une manière de lui offrir un mandat affaibli pour le mener à l'indépendance – rappelons que la direction du PQ s'était fixé la barre des 45 % aux élections du 30 novembre, estimant qu'en deçà les « conditions gagnantes », selon la formule de L. Bouchard, n'étaient pas réunies.

On comprend que, dans ces conditions, L. Bouchard ait pris bonne note du message, en soulignant qu'il aurait du « pain sur la planche ». Quoi qu'il en soit, le Premier ministre de la Belle Province n'a pas manqué de rappeler qu'il entendait « contrer toutes nouvelles intrusions » du gouvernement fédéral dans les programmes que le Québec entend lui-même gérer.