Journal de l'année Édition 1999 1999Éd. 1999

La réforme de la PAC, qui est entrée en vigueur en 1999, tout en s'inscrivant dans la continuité, insiste sur la nécessité de prendre en compte certaines évolutions nouvelles. D'un côté, la Commission recommande à nouveau la baisse des prix pour doper les exportations vers des pays comme la Chine, la Turquie ou la Russie afin d'éviter la reconstitution de stocks de beurre, de blé ou de carcasses de viande. Les baisses envisagées sur le blé, le colza, la viande bovine ou le lait sont accentuées (15 à 30 %) et ne seront pas cette fois-ci compensées par le budget communautaire. D'autre part, en prenant en compte l'avancée de la diversification rurale, consécutive à la concentration dans l'espace des grandes cultures et aussi à la difficulté de trouver des successeurs aux agriculteurs âgés (une installation pour trois ou quatre départs), la Commission estime que l'entretien et la mise en valeur de l'espace rural représentent des missions essentielles et valorisantes pour ceux qui en sont chargés, au même titre que la production marchande et massive de biens alimentaires. Cette politique devrait s'attacher à mettre en valeur des cultures biologiques et de produits de qualité et, en même temps, la diversification des activités rurales (comme celle du tourisme à la ferme) au titre de la « multifonctionnalité de l'agriculture ». Cette approche nouvelle de la Commission rejoint les efforts du gouvernement français pour définir de nouvelles orientations de l'agriculture.

De nouvelles missions

En faisant voter le 13 octobre 1998 une loi d'orientation agricole, le gouvernement français a considère que l'agriculture du pays gagnerait davantage à exploiter ses atouts qu'à chercher à baisser fortement les prix à l'exportation des céréales ou de la viande de bœuf, comme le souhaite la Commission de Bruxelles. Ce choix délibéré s'appuie sur un constat. En effet, de 1990 à 1996, l'excédent annuel de produits agricoles bruts est passé de 35 à 29 milliards de francs, tandis que le solde des produits agroalimentaires (c'est-à-dire des produits bruts transformés) est monté de 16 à 35 milliards. Alors que la réforme de la PAC de 1992 devait permettre d'accroître les ventes de matières premières agricoles sur le marché mondial, les exportations françaises de céréales, dont 70 % sont destinées au marché européen, ont été largement rattrapées par celles des vins et spiritueux. Compte tenu de cette structure des échanges extérieurs agricoles et aussi de ses atouts (que l'on songe à la variété des productions), l'agriculture française devrait pouvoir saisir sa chance eu égard à sa capacité de fournir sur le marché communautaire et sur le marché mondial des produits élaborés à haute valeur ajoutée. Ces derniers sont vendus à des prix rémunérateurs pour les producteurs, parce qu'ils bénéficient d'un savoir-faire et de technologies qui les rendent compétitifs.

La loi d'orientation agricole doit contribuer à opérer ce changement entre les contrats territoriaux d'exploitation – qui doivent aider des agriculteurs désireux de se lancer dans des expériences nouvelles – et le renforcement des organisations de producteurs face à la grande distribution, tout en prenant en compte les marques de terroir et de qualité, sans négliger, naturellement, l'existence des zones difficiles.

Gilbert Rullière

L'américanisation de la PAC

De longue date, les Américains ont voulu étendre le libre-échange à l'agriculture. Dans le cas de la politique agricole commune, les États-Unis cherchent systématiquement à faire baisser les prix européens pour qu'ils se rapprochent des prix mondiaux. La règle est celle d'une amélioration de la compétitivité de l'agriculture communautaire sur les marchés intérieurs et extérieurs. Par ailleurs, les Américains acceptent de soutenir les agriculteurs dans la mesure où les aides n'ont pas d'incidence sur les productions. Il s'agit là d'une logique commerciale pouvant mettre en difficulté l'agriculture européenne. Cette compétition à outrance est très mal reçue par les agriculteurs français puisqu'elle risque de faire disparaître des valeurs comme la solidarité et la mutualisation.