Journal de l'année Édition 1999 1999Éd. 1999

Les transferts de compétence sont très importants. Dès la mise en œuvre de l'accord, la réglementation des importations, l'autorisation d'investissements étrangers, les PTT, la formation professionnelle, les programmes scolaires du primaire... sont de la compétence de l'exécutif local. Il gérera par la suite renseignement secondaire, l'état civil et la propriété foncière et partagera avec l'État la diplomatie régionale, le maintien de l'ordre, le régime des étrangers et l'enseignement supérieur. Une consultation finale sera organisée, entre 2013 et 2018, pour le transfert des compétences régaliennes (l'accès à un statut international, la justice, la défense...).

Le vote du Congrès à Versailles

Il a entériné l'accord, mais en acceptant la révision constitutionnelle afin d'en permettre l'application, les parlementaires ont, dans un désir de consensus et avec la volonté de préserver quelques années encore la coexistence pacifique sur le « Caillou », fait des entorses aux principes juridiques et constitutionnels habituellement en vigueur en France. Ainsi, en introduisant la nouvelle « citoyenneté néo-calédonienne », un pied dans la nation, l'autre à l'extérieur, c'est une conception fédérative de la république qui se fait jour. La conception ethnique du corps électoral ne correspond pas franchement à la loi fondamentale. Seuls les électeurs appartenant au « peuple kanak » sont protégés, alors que d'autres membres du corps électoral sont exclus de la nouvelle citoyenneté et donc du droit de vote, comme les résidents arrivés de métropole depuis moins de dix ans ou les Polynésiens, qui travaillent pourtant dans les mines de nickel de l'île. Enfin, la « préférence néo-calédonienne », qui est instaurée pour le marché du travail, rappelle étrangement le débat sur la « préférence nationale », qui agite, aujourd'hui, une partie de la classe politique métropolitaine.

En réalité, en dépit des libertés qu'il prend avec les grands principes de la République, cet accord a l'avantage d'être consensuel et de préserver la sérénité de chacun sur le territoire. Par l'habileté politique de ses rédacteurs, pour ne pas dire par son ambiguïté, il donne à chaque camp des raisons d'espérer dans la nouvelle période qui s'ouvre. Les anti-indépendantistes de J. Lafleur y voient l'occasion pour leur « Caillou » de demeurer au sein de la République dans le cadre de relations rénovées, refondées et approfondies, alors que les indépendantistes du FLNKS lisent le contraire, et estiment que le texte marque le début d'une indépendance inéluctable qui commence à se construire dès aujourd'hui. En ayant des interprétations aussi radicalement différentes, on se demande encore comment un tel accord a pu être signé. Peu importe, il l'est. C'est l'essentiel. Personne n'a perdu la face, et la paix est assurée pour vingt ans.

Bernard Mazières

Les accords de Matignon

Signés le 23 juin 1988 par le RPCR et le FLNKS sous l'égide de Michel Rocard, alors Premier ministre, et approuvés par référendum, le 6 novembre, ils rétablissent la paix civile dans le territoire après les événements sanglants d'Ouvéa, qui avaient été un enjeu de la campagne présidentielle entre François Mitterrand et Jacques Chirac. Ils prévoyaient une période transitoire de dix ans débouchant sur un référendum d'autodétermination avant la fin de 1998. Mais, plus l'échéance approchait, plus les deux camps en présence la redoutaient. Les uns, les indépendantistes du FLNKS, parce que l'équilibre démographique et électoral se modifiait en leur défaveur. Les autres, les anti-indépendantistes du RPCR, parce qu'ils craignaient que leur victoire ne remette en question la paix civile acquise si difficilement. Résultat : un accord est trouvé pour que l'avenir de l'île et le destin commun de ses habitants, les Kanaks et les caldoches, soient discutés, sans pour autant se soumettre au vote prévu qui aurait trop ressemblé à un « référendum-couperet ».