Le 27 juin, un mois et demi après l'annonce de la création de l'Alliance, ses leaders se retrouvent à Port-Marly (Yvelines) pour célébrer son avènement. La fête sera triste : le cœur n'y est pas, les supporters non plus – à peine 2 500 militants. Conçue pour rassembler l'opposition, pour la rendre plus cohérente et donc plus crédible aux yeux de l'électorat de droite, elle ne semble pas remplir ses objectifs ni être à la hauteur de ses ambitions.

En fait d'unification, l'opposition au contraire semble se balkaniser. L'UDF a éclaté sous la pression de François Bayrou et d'Alain Madelin, ne laissant plus que l'apparence d'une présidence à François Léotard. Charles Millon, après avoir pactisé dans sa région Rhône-Alpes avec le Front national, a créé son propre mouvement, La Droite, et vogue de façon hasardeuse vers d'autres rivages. Côté RPR, Philippe Séguin, en dépit de son engagement dans l'Alliance, veut affirmer l'identité de son parti. Il est contesté, d'un côté, par son propre conseiller politique, Charles Pasqua – qui, au sein de son mouvement, Demain la France, a pris son indépendance et menace de mener sa propre liste aux élections européennes –, de l'autre, par le farouche partisan d'un parti unique de la droite, Édouard Balladur – une conviction qui est ancienne.

En réalité, la grande faiblesse de l'Alliance est d'être composée d'autant de petits bastions qu'il y a de présidentiables autoproclamés, aucun d'entre eux n'étant prêt à faire le sacrifice de sa structure, aussi petite soit-elle, tant il est persuadé qu'elle peut servir de tremplin à ses ambitions futures. Et le congrès départemental qui s'est tenu fin juin a montré des dirigeants bien en peine de proposer aux militants une stratégie aux objectifs clairs.

Bernard Mazières

Des enjeux contradictoires

La rédaction d'un programme de gouvernement commun pose de redoutables problèmes aux responsables de l'Alliance. « Il n'est pas question d'une fusion, elle serait réductrice de notre diversité, donc de notre efficacité », a prévenu Philippe Séguin, alors que, dans le même temps, la majorité des députés UDF réclamait la constitution d'un groupe parlementaire unique ! Bref, c'est la confusion, d'autant que l'Alliance n'a pas mis fin aux brouhahas internes. Édouard Balladur, candidat officieux à la présidence de l'intergroupe, a jeté le trouble en demandant la réunion d'une commission sur la préférence nationale, thème cher au Front national. Charles Pasqua n'a pas fait mieux en relançant le débat européen et en annonçant la préparation d'une liste avec Philippe de Villiers pour les prochaines élections européennes. Dé plus, la lutte fratricide au sein du RPR parisien entre Jacques Toubon et Jean Tiberi ainsi que le retour, discret mais réel, d'Alain Juppé dans les coulisses du RPR ne sont pas à même de pacifier les esprits – d'autant moins que, à l'automne, et alors que l'Alliance commencera à discuter de ses conventions thématiques, se profile la ratification du traité d'Amsterdam, signé par Jacques Chirac et appliqué par Lionel Jospin. Un traité qui pourrait bien porter le coup de grâce à cette tentative d'union de l'opposition.