L'alliance ou la relance de la droite ?

Bousculés par les électeurs et les élus qui plébiscitent l'union de l'opposition, abandonnés par une partie de leur base électorale désemparée par l'échec de la dissolution et le traumatisme des régionales, Philippe Séguin et François Léotard, patrons contestés du RPR et de l'UDF, tentent de reprendre la main. Le 14 mai, ils annoncent la création d'une organisation commune. L'Alliance, c'est son nom, a pour but, en regroupant tous les courants de la droite républicaine, de reconstruire l'opposition sur des bases nouvelles.

Cette initiative a pour ambition de déboucher sur une véritable confédération RPR-UDF et de ne pas se contenter, comme dans le passé, de simples ententes électorales. Le protocole d'accord, signé quelques jours plus tard par les trois formations fondatrices, le RPR, l'UDF et Démocratie libérale d'Alain Madelin, prévoit pour l'Alliance, outre le refus de toute compromission avec l'extrémisme, une présidence tournante, dotée d'un secrétariat et d'une assemblée constituée de représentants des différentes composantes ; l'élection d'un président de l'intergroupe parlementaire à l'Assemblée nationale ; et la rédaction d'un programme de gouvernement commun dans Ta perspective des prochaines élections législatives.

Le congrès d'Épinay de la droite ?

Saluée, à l'origine, de façon très positive par le peuple de droite, qui voyait dans la création de l'Alliance l'opportunité pour l'opposition d'organiser son congrès d'Épinay (congrès constitutif du PS, en 1971, sous l'impulsion de François Mitterrand), celle-ci sera très décriée. Un mois plus tard, les sondages montrent que l'Alliance n'a pas atteint son objectif et qu'elle n'est crédible que pour le tiers des sympathisants RPR et UDF. Les ambitions personnelles et l'esprit de « boutique » ont été plus forts que la volonté de réunification de l'opposition.

Les résultats des élections régionales et les accords passés par certains avec le FN ont ajouté au traumatisme de la dissolution ratée. Le divorce est total entre les états-majors parisiens et leur base électorale. L'UDF est en voie de décomposition, avec, d'un côté, le départ programmé de la confédération d'Alain Madelin, partisan d'un rapprochement de Démocratie libérale avec le RPR, et, de l'autre, le rêve d'un grand centre de François Bayrou.

Le RPR n'est pas en meilleure forme, les cartes d'adhérents déchirées arrivent par centaines au siège de la rue de Lille. La révolte gronde, les uns affichant leur sympathie à l'égard de Charles Millon et de son mouvement La Droite, les autres reprochant à leurs directions respectives une opposition sans vigueur, leur manque de stratégie et leurs perpétuelles divisions. Une crise de confiance qui est alimentée, au sein du RPR, par l'affrontement Toubon-Tiberi sur fond d'investigations judiciaires, par les velléités affichées de Charles Pasqua de mener sa propre liste aux élections européennes, et, à l'UDF, par le combat que se livrent Madelin et Bayrou.

Le spleen de « Léo » et de Séguin

Pour Philippe Séguin et François Léotard, il est donc urgent de reprendre l'initiative : c'est une question de crédibilité, voire de survie politique, d'autant plus que le président du RPR, qui n'arrive toujours pas à établir avec l'Élysée un contact serein, s'est vu « humilié », selon son expression, à l'occasion du débat sur l'euro – alors qu'il prônait un vote contre, le groupe parlementaire RPR s'est finalement abstenu, suivant ainsi la position défendue par Alain Juppé – et que le président de l'UDF, discrédité par son échec électoral lors des régionales en Paca, voit son dernier atout, l'UDF, en phase de désintégration avancée. Résultat : l'Alliance s'impose à eux. Sans être la panacée d'une droite à la dérive, elle répond, d'abord, au désir d'union exprimé par une majorité de l'électorat et par bon nombre d'élus, notamment UDF. Elle satisfait, ensuite, le « locataire » de l'Élysée, qui se félicite de voir dans cette initiative les premières bases d'un parti unique de l'opposition qui pourrait, à la veille des échéances présidentielles, se transformer en parti du président. Enfin, elle permet à ses deux initiateurs de se repositionner.

Les difficultés de l'Alliance

Très rapidement, l'Alliance va montrer ses limites. Elle bute sur des questions d'organisation et de personnes, et les désaccords s'affichent. Si le choix d'une présidence tournante de la confédération entre les trois leaders des formations fondatrices ne va pas poser de problèmes, d'autant moins qu'il laisse à chacun un droit de veto, il en va tout autrement du choix du président de l'intergroupe de l'Assemblée nationale, qui n'était toujours pas élu à la veille de l'été, comme cela était initialement prévu ; la question achoppe sur son mode de désignation, sur la durée de son mandat et sur ses prérogatives. Pas question pour l'UDF de l'offrir sur un plateau à un RPR numériquement supérieur dans l'hémicycle.