Journal de l'année Édition 1999 1999Éd. 1999

Nécrologies

AMBLER (Eric),

romancier britannique
Londres, 28 juin 1909
Londres, 22 octobre 1998
Considéré comme un des maîtres du roman d'espionnage, il construit ses romans sur le thème de l'inconnu brusquement projeté dans une affaire qui le dépasse. Ses livres les plus connus sont Épitaphe pour un espion (1938), le Masque de Dimitrios (1939), l'Héritage Schirmer (1953) ou N'envoyez plus de roses (1977). Scénariste d'une quinzaine de films, il a vu plusieurs de ses propres livres adaptés à l'écran, dont le Masque de Dimitrios, par Jean Negulesco, en 1944, et Topkapi, par Jules Dassin, en 1964.

BODARD (Lucien),

écrivain et journaliste français
Chongqing, Chine, 3 janvier 1914
Paris, 2 mars 1998
Fils d'un consul de France, très marqué par son enfance en Chine, il se spécialise dans le grand reportage sur l'Asie. Il rencontre Pierre Lazareff, le célèbre patron de presse, qui fait de lui un des grands reporters de France Soir. Après avoir publié une chronique en trois volumes sur la guerre d'Indochine, il reçoit en 1973 le prix Interallié pour son roman Monsieur le Consul, une autobiographie sur son enfance. Il est lauréat du prix Goncourt en 1981 pour Anne-Marie, évocation tragique de sa mère. On retiendra également, parmi une œuvre importante, la Vallée des roses (1977) et les Plaisirs de l'Hexagone (1971).

BOSQUET (Alain, Anatole Bisk, dit),

écrivain français d'origine russe
Odessa, 28 mars 1919
17 mars 1998
Après une jeunesse en Belgique et un engagement dans l'armée américaine pendant la Seconde Guerre mondiale, il s'installe à Paris en 1951. Il commence alors une carrière de critique littéraire à Combat, puis au Monde, aux Nouvelles littéraires et au Figaro. Il écrit également de la poésie (Verbe et Vertige en 1961) et des romans, dont Une mère russe (grand prix de l'Académie française, 1978). Son style est marqué par plusieurs influences, allant aussi bien du surréalisme à l'expressionnisme allemand et à la philosophie contemporaine. Ses poèmes sont de véritables édifices, organisés en une série d'ensemble où chaque texte est présenté comme une note (Cent notes pour une solitude, 1970 ; Notes pour un pluriel, 1974 ; Vingt et Une Natures mortes ou mourantes, 1978). Son influence sur la poésie en France sera déterminante.

BRUCKBERGER (Raymond-Léopold),

prêtre et écrivain français
Murat, Cantal, 10 avril 1907
Chexbres, Suisse, 4 janvier 1998
Ordonné prêtre, il rentre en 1929 dans l'ordre des Dominicains et rencontre Georges Bernanos. Pendant la guerre, il rejoint la Résistance pour devenir l'aumônier des FFI. À la Libération, il participe à la vie intellectuelle parisienne et devient ce que certains appellent un « curé mondain ». En 1960, il réalise pour le cinéma le Dialogue des carmélites, tout en continuant de publier de nombreux ouvrages. Avec les années, il professe des opinions nettement conservatrices. Parmi ses œuvres, on retiendra l'Histoire de Jésus-Christ (1965) et Tu finiras sur l'échafaud (1978).

CARAMANLIS (Constantin),

homme politique grec
Proti, Macédoine, 8 mars 1907
Athènes, 21 avril 1998
Avocat de formation, il est élu pour la première fois député du Parti populaire (conservateur) en 1935. Après avoir été écarté de la vie publique pendant la dictature Metaxas, il entre au gouvernement en 1947 et devient Premier ministre en 1955. Il amène l'opinion grecque à renoncer à l'Enôsis (rattachement de Chypre). Il démissionne et s'exile en France en 1963. C'est lui qui est appelé en 1974 pour rétablir la démocratie après la chute de la dictature des colonels qui avaient pris le pouvoir en 1967. Il lance alors une nouvelle formation politique, la Nouvelle Démocratie, légalise le Parti communiste, fait entériner par référendum la fin de la monarchie et demande l'adhésion de la Grèce â la Communauté économique européenne. Il est élu président de la République en 1980 et se retire en 1985. Il est rappelé à ce poste en 1990 pour apporter sa caution à la résolution des grands problèmes de corruption qui traversent alors le pays. Il prend sa retraite en 1995.

CARTER (Lillie Mae Jones, dite Betty),

chanteuse de jazz américaine
Flint, Michigan, 16 mai 1930
New York, 26 septembre 1998
Après des études de piano au conservatoire de Détroit, elle commence à chanter dans les cabarets be-bop de cette ville. De 1948 à 1951, elle entre dans l'orchestre de Lionel Hampton où elle perfectionne son style vocal, en étirant les notes, en contrôlant parfaitement l'intonation et le vibrato, et en mimant les textes de tout son corps, d'une façon très expressionniste. Elle chante ensuite avec Charlie Parker, Dizzie Gillepsie, Miles Davies, John Coltrane, Ray Charles et Sonny Rollins. Elle continue sa carrière sur scène tout en créant, dans les années 60, sa propre maison de disques, BetCar, et en découvrant de jeunes talents, parmi lesquels Jack DeJohnette. Elle reçoit un Grammy Award en 1988.

CASTANEDA (Carlos César Arana),

anthropologue américain d'origine brésilienne
São Paulo, 25 décembre 1925 ou Cajamarca, Pérou, 25 décembre 1931
Westwood, Californie, 27 avril 1998
Laissant planer des doutes sur ses origines, il émigré aux États-Unis en 1951 et accède à la célébrité à la fin des années 60 grâce à la publication de ses travaux de recherche sur les pratiques chamaniques et l'utilisation des champignons hallucinogènes et autres stupéfiants d'un sorcier indien de la tribu yaki, Don Juan Matus. Il relate les expériences étonnantes qu'il aurait vécues auprès du sorcier et le message antirationaliste qu'il développe acquiert un grand retentissement auprès des jeunes hippies de l'époque. Ses livres, notamment l'Herbe du diable et la petite fumée ou Histoire de pouvoir, connaissent un succès mondial, même si beaucoup leur contestent toute valeur scientifique. Dans les années 80, il se retire de plus en plus du monde, pour vivre plus ou moins caché au sein d'un petit cercle de fidèles.

CÉSAR (César Baldaccini, dit),

sculpteur français
Marseille, 1er janvier 1921
Paris, 6 décembre 1998
Fils d'un tonnelier italien et d'une mère française passionnée d'art, il fait plusieurs petits métiers avant de commencer, à quinze ans, des études artistiques. Il s'installe à Paris en 1943 et reste de longues années étudiant aux Beaux-Arts. Il prend conscience de l'intérêt de l'armature de fer utilisée comme support de la terre pour les sculptures et s'oriente alors vers le travail sur le métal en pratiquant la soudure au chalumeau. Par ailleurs, la modestie de ses moyens ne lui permet pas d'acheter des matériaux plus chers. En 1954, il présente sa première exposition et rencontre aussitôt le succès. Quelques années plus tard, il réalise ses premières compressions de voitures et devient une vedette du Tout-Paris. Il adhère au groupe des « nouveaux réalistes », aux côtés de Tinguely, d'Arman et de Niki de Saint-Phalle. Ses compressions et ses empreintes géantes de pouce ou de sein lui confèrent une réputation internationale ; son nom reste pour toujours associé à la cérémonie des prix du cinéma français, dont les récompenses sont une œuvre signée de lui.

DEWAVRIN (André, alias colonel Passy),

résistant français
Paris, 9 juin 1911
Paris, 20 décembre 1998
Polytechnicien, capitaine du génie, il rejoint le général de Gaulle dès juillet 1940. À vingt-neuf ans, il est alors chargé de mettre en place les services de renseignement de la France libre, luttant pour s'imposer auprès des services secrets britanniques et au sein même de la Résistance gaulliste. En 1941, il rentre en contact avec Jean Moulin qu'il présente au général de Gaulle puis organise, à partir de 1943, les nouvelles structures militaires de la France combattante. À la Libération, il dirige les services de contre-espionnage de la France libérée.

DUMONT (Louis),

anthropologue français
1911
Paris, 19 novembre 1998
Durant sa jeunesse, il fréquente les surréalistes et le Collège de sociologie de Georges Bataille. Prisonnier pendant la guerre, il apprend le sanskrit puis, à la Libération, s'oriente vers le travail anthropologique en Inde. Il s'intéresse à la société holiste, dans laquelle l'individu compte moins que le groupe, et publie en 1967 Homo hierarchicus, le système des castes et ses applications. Par comparaison, il travaille ensuite sur l'individualisme occidental et rédige, entre 1977 et 1991, Homo aequalis, magistrale étude sur le « tournant anthropologique » qui a duré depuis la Renaissance en Europe jusqu'à la société industrielle.

ESCOFFIER (Éric),

alpiniste français
L'Arbresle, près de Lyon, 9 août 1960
Himalaya, Pakistan, 29 juillet 1998
Son palmarès commence en 1982, quand il enchaîne dans la journée la directe américaine et le pilier Bonatti au Dru. Il collectionne ensuite les performances (escalade en solitaire du versant italien du mont Blanc, escalade en une seule journée du Dru et des Grandes Jorasses, ascension en moins d'un mois de trois sommets himalayens, où il perd son compagnon de cordée Daniel Lacroix, etc.). En 1987, il est victime d'un grave accident de voiture. Au prix d'une rééducation intense, il parvient à surmonter son hémiplégie, retrouvant 60 % de ses capacités. Il reprend ses ascensions en 1996. Il disparaît avec Pascale Bessières sur les pentes du Broad Peek, dans l'Himalaya du Pakistan. Il était en train de réaliser le projet de gravir en moins de quatre ans les quatorze sommets de plus de 8 000 m, les sept montagnes les plus hautes de chaque continent (Antarctique compris) et d'atteindre les deux pôles.

FERRER (Nino, Agostino Ferrari, dit),

chanteur français d'origine italienne
Gênes, 15 août 1934
Montcuq, Lot, 13 août 1998
Après des études d'ethnologie, il se lance dans la chanson dans les cabarets de la rive gauche à Paris. Passionné de jazz, il se fait connaître au milieu des années 60 avec des chansons comiques comme « Mirza », « les Cornichons » ou « le Téléfon », au rythme enlevé et aux textes loufoques. Il cherche vite à imposer un autre style, plus romantique et marqué par le blues. Au début des années 70, il connaît encore deux gros succès avec « la Maison près de la colline » et « le Sud », d'inspiration écologique. Il s'éloigne alors progressivement du métier et se retire dans une bastide du Lot, où il se consacre à la peinture. L'insuccès de son dernier album, au titre explicite, « la Désabusion », en 1993, puis la mort de sa mère le poussent au suicide.

FEUILLÈRE (Edwige Cunati, dite Edwige),

comédienne française
Vesoul, 29 octobre 1907
Paris, 13 novembre 1998
Après avoir reçu une éducation très stricte en province, elle se lance quand même dans le spectacle et monte à Paris en 1928. Elle sort première du Conservatoire en 1931, après quelques rôles légers dans des vaudevilles. Elle épouse alors le comédien Pierre Feuillère, dont elle se sépare en 1937, et entre à la Comédie-Française. Elle n'y reste que deux ans, préférant mener une carrière indépendante au théâtre comme au cinéma. Elle impose peu à peu un personnage, d'abord un peu sulfureux – son rôle légèrement dénudé dans Lucrèce Borgia d'Abel Gance, en 1935, fera scandale – puis élégant et plein de charme. À l'écran, elle joue sous la direction de Duvivier, Raymond Bernard et Max Ophuls ; elle triomphe sur scène dans la Dame aux camélias, qu'elle jouera plus de huit cents fois de 1939 à 1959. Après la Libération, elle connaît d'autres succès avec les deux versions, pour la scène et pour l'écran, de l'Aigle à deux têtes, de Cocteau, aux côtés de Jean Marais. Elle s'impose aussi comme une très grande interprète de Claudel. Dans les années 50, elle joue dans plusieurs films secondaires, mais continue d'être au sommet sur scène. Elle fait ses adieux au théâtre en 1984, mais remonte encore deux fois sur les planches en 1986 et en 1989.

GADDIS (William),

écrivain américain
New York, 29 décembre 1922
Long Island, État de New York, 16 décembre 1998
Après des études à Harvard et un long voyage en Europe et en Afrique du Nord, il publie son premier roman en 1955, Reconnaissances. Son éditeur le présente comme un « nouveau Joyce », mais cela ne l'empêche pas de se faire éreinter par la critique. Son style, privilégiant le dialogue, et sa construction narrative fort complexe désarçonnent les lecteurs. Handicapé par sa réputation d'auteur obscur, il publie peu, mais reçoit tout de même deux fois le National Book Award, dans les années 70 et dans les années 90, pour JR et pour le Dernier Acte.

GREEN (Julian Hartridge, dit Julien),

écrivain américain d'expression française
Paris, 6 septembre 1900
Paris, 13 août 1998
Issu d'une famille de riches Américains sudistes expatriés en France après la défaite des confédérés, il passe son enfance à Paris. Il participe à la Première Guerre mondiale dans les rangs des armées américaine et française avant de suivre quatre années d'études universitaires en Virginie. En 1920, il publie sa première nouvelle en anglais, puis, quatre ans plus tard, son premier livre en français, un essai sur le catholicisme auquel il s'est converti à l'âge de seize ans. En 1926, il achève son premier roman, Mont Cinère, suivi, un an plus tard, du Voyageur sur la terre, recueil de nouvelles, et d'Adrienne Mesurat. Il connaît très vite le succès. En 1938, il sort le premier volume de son Journal, qu'il poursuivra jusqu'en 1996. En 1971, il est élu à l'Académie française. Il écrit des romans (parmi lesquels Léviathan, 1929, Varouna, 1940, Si j'étais vous, 1947, Dixie I, 1987 et Dixie II, 1989), des essais, des pièces de théâtre et une Autobiographie. Son style se caractérise par une élégance et une limpidité exceptionnelles. Le thème dominant de son œuvre reste l'angoisse humaine, la peur de la solitude, le conflit entre la chair et la mystique, le processus conduisant au aime et à la folie.

JENNY-CLARK (Jean-François),

bassiste de jazz français
Toulouse, 12 juillet 1944
Paris, 6 octobre 1998
Formé à l'école du be-bop, il obtient le premier prix de contrebasse du Conservatoire de Paris en 1968. Il s'oriente ensuite vers le free-jazz en jouant auprès d'Anthony Braxton, d'Archie Shepp ou de Kenny Wheeler. Refusant de former son propre groupe, il accompagne les plus grands noms du jazz de son époque, de Don Sherry à Gato Barbieri, de Michel Portai à Jean-Luc Ponty ou d'Aldo Romano à Keith Jarret. Il s'intéresse également à la musique contemporaine au sein de l'ensemble Musique vivante de Diego Masson, jouant sous la direction de Stockhausen, Boulez, John Cage ou Luciano Berio.

JIVKOV (Todor),

homme politique bulgare
Pravec, près de Sofia, 1911
Sofia, 5 août 1998
Formé dans la résistance aux nazis, il accède à la présidence du Parti communiste bulgare en 1954 et occupe ce poste jusqu'en 1989. Habile politique, il anticipe toutes les évolutions que traverse le mouvement communiste international et ne sera limogé que le jour de la chute du mur de Berlin. Condamné en 1991 à sept ans de prison pour malversations, il n'effectue pas sa peine pour raisons de santé et garde jusqu'à sa mort une certaine popularité dans l'opinion bulgare.

JULIEN (Pauline),

chanteuse canadienne québécoise
Trois-Rivières, 1928
Montréal, 30 septembre 1998
Comédienne de formation, elle débute dans la chanson à Paris dans les années 50, interprétant les chansons de Léo Ferré, de Brecht et de Boris Vian. Elle retourne à Montréal dans les années 60, où elle chante les premières compositions de Gilles Vigneault. Elle s'implique fortement dans la bataille pour le Québec libre et francophone, tout en continuant d'interpréter les chansons de Vigneault et des écrivains québécois Réjean Ducharme et Michel Tremblay. Elle connaît aussi le succès avec ses propres textes comme « L'âme à la tendresse » ou « Fille ».

JÜNGER (Ernst),

écrivain allemand
Heidelberg, 29 mars 1895
Wilflingen, 17 février 1998
Combattant de 14-18, il publie son premier livre, Orages d'acier, en 1920. Ce n'est pas un pamphlet contre la guerre, mais une sorte de récit métaphysique sur la violence. C'est à partir de là que naît sa réputation d'écrivain fascisant. Il se lie ensuite d'aminé avec Ernst von Salomon, qui sera considéré plus tard comme un des grands chantres du nazisme. En 1933, Jünger refuse de rentrer à l'Académie de littérature contrôlée par le nouveau régime et écrit en 1939 son livre le plus célèbre, les Falaises de marbre. D'aucuns y voient un pamphlet contre Hitler, mais lui-même dira le contraire après la guerre. Pendant l'Occupation, il est, à Paris, chargé des relations avec les intellectuels français. Après 1945, il est largement rejeté par l'opinion allemande, ce qui ne l'empêche pas de continuer à publier, notamment, à partir de 1980, son Journal, qui remonte à 1965. Très apprécié par François Mitterrand qui lui rendra visite chez lui, il assiste, en 1984, à ses côtés et en compagnie du chancelier Helmut Kohl, à une cérémonie à la mémoire des victimes des deux guerres. Il disait de lui-même : « Je ne pense pas dialectiquement, donc ni pour ni contre, mais autrement ».

JUNIOR WELLS (Amos Blackmore, dit),

harmoniciste et joueur de blues américain
Memphis, Tennessee, 9 décembre
1934
Chicago, 15 janvier 1998
À la fin des années 40, il devient une Figure marquante du blues de Chicago. Pendant plus de vingt ans, il joue avec le guitariste Buddy Guy. Ses compositions seront reprises par plusieurs musiciens de rock, comme les Rolling Stones ou Van Morrisson.

KUROSAWA (Akira),

cinéaste japonais
Tokyo, 23 mars 1910
Tokyo, 6 septembre 1998
Fils d'un officier, enseignant d'arts martiaux, il suit des cours de peinture (notamment occidentale), avant de s'orienter vers le cinéma en 1936, tout en fréquentant des cercles intellectuels d'extrême gauche. D'abord assistant de Kajiro Yamamoto, il réalise en 1943 son premier film, la Légende du grand Judo, sur les arts martiaux. Après la guerre, il s'investit dans des films engagés socialement comme Ceux qui bâtissent l'avenir ou Je ne regrette rien de ma jeunesse, proches du néoréalisme italien. En 1948, il signe son premier chef-d'œuvre, l'Ange ivre, avec celui qui deviendra son acteur fétiche, Toshiro Mifune. Sa réputation s'assoit définitivement avec Rashomon (1950, lion d'or à Venise, oscar du meilleur film étranger), l'Idiot (1951, d'après Dostoïevski), les Sept Samouraïs (1954) ou le Château de l'araignée (1957, d'après Shakespeare). Kurosawa impose son style, lyrique mais non dépourvu d'ironie, tout entier au service d'un questionnement métaphysique sur le rapport maître-élève, le contrôle de soi-même et l'accession à la vérité. En 1970, Dodes'kaden est un échec complet qui le ruine et le pousse à une tentative de suicide. Oublié au lapon, il recommence cependant à tourner, grâce à un financement soviétique, et sort Dersou Ouzala en 1975 (oscar du meilleur étranger). Il reçoit la palme d'or à Cannes pour Kagemusha, en 1980. Son dernier film, Madadayo (1993) est une réflexion sur la transmission du savoir et de la sagesse d'un vieux professeur. Il laisse le souvenir d'un défricheur, dont la créativité a bouleversé le cours du septième art.

LANGEAIS (Catherine, Marie-Louise Terrasse, dite),

femme de télévision française
Valence, 9 août 1923
Paris, 23 avril 1998
Elle entre à l'ORTF en 1950 et devient la speakerine la plus connue de la télévision française jusqu'en 1975. Elle anime également les premières émissions de cuisine sur le petit écran avec Raymond Oliver ainsi qu'une célèbre émission de cinéma, « La séquence du spectateur ». Elle fut pendant quarante ans l'épouse de l'ancien directeur d'Antenne 2, Pierre Sabbagh.

LYOTARD (Jean-François),

philosophe français
Versailles, 10 août 1924
Paris, 21 avril 1998
Il commence sa carrière comme professeur de philosophie en Algérie, puis rejoint le groupe de réflexion Socialisme ou Barbarie, aux côtés de Claude Lefort et de Cornélius Castoriadis. Il publie son premier ouvrage, la Phénoménologie, en 1954, dans lequel il assigne à la philosophie la mission de « comprendre l'histoire ». Dans les années 70, il devient, notamment à l'université de Vincennes, une des figures de la pensée critique française. Dans plusieurs ouvrages comme Dérives à partir de Marx et Freud (1973) ou Économie libidinale (1974), il développe une pensée qui rejette aussi bien l'économisme marxiste qu'une certaine sclérose de la psychanalyse pour mettre en avant l'énergie et le désir créatif des individus comme des masses. En 1979, il publie la Condition post-moderne, où, à la suite de plusieurs penseurs américains, il décrit la fin des « métarécits » (christianisme, positivisme, socialisme), au profit d'une pensée relativiste qui cherche cependant des critères de jugement. Lyotard tente alors de réinterpréter dans cette optique les pensées de Kant et de Levinas. Avec Michel Foucault, Jacques Derrida et Gilles Deleuze, il fait partie de ces penseurs français apparus dans les années 60 et 70 qui exercèrent une grande influence en France et à l'étranger.

MANNONI (Magdalena Van der Spoel, dite Maud),

psychanalyste française d'origine néerlandaise
Courtrai, Belgique, 22 octobre 1923
Paris, 15 mars 1998
Après des études de criminologie et de psychanalyse à Bruxelles, elle entre comme praticienne à l'hôpital Trousseau de Paris. Elle rencontre Françoise Dolto, qui exerce une grande influence sur elle, puis épouse le philosophe Octave Mannoni, en analyse avec Jacques Lacan. En 1964, elle publie son premier livre, l'Enfant arriéré et sa mère, dans la collection « le Champ freudien », dirigée par Lacan. L'ouvrage porte la marque des psychanalystes anglais comme D. W. Winnicott et Melanie Klein. En 1969, après avoir rencontré les « anti-psychiatres » David Cooper et Ronald Laing, elle fonde à Bonneuil-sur-Marne, près de Paris, une école expérimentale pour enfants et adolescents en détresse. Le lieu fonctionne selon les préceptes de l'anti-psychiatrie et de la critique anti-institutionnelle, mais aussi de la pédagogie de Célestin Freinet. Avec Éducation impossible (1973), dans la lignée de Françoise Dolto, elle introduit définitivement la psychanalyse dans l'éducation des enfants. Quelques semaines avant sa mort, elle sort son dernier livre, Elles ne savent pas ce qu'elles disent, consacré à Virginia Woolf.

MARAIS (Jean Alfred Villain-Marais, dit Jean),

comédien français
Cherbourg, 11 décembre 1913
Cannes, 8 novembre 1998
Élevé au sein d'une famille au statut précaire, il arrive à Paris, bien décidé à faire carrière dans le spectacle.
Doté d'un physique exceptionnel et doué pour la peinture, il parvient à décrocher des petits rôles dans des films de Marcel L'Herbier au milieu des années 30. Recalé au concours du Conservatoire, il se fait remarquer par Charles Dullin qui l'engage au théâtre de l'Atelier, lui confiant, pour l'occasion, quelques silhouettes. Il y fait la connaissance de Jean Cocteau, à qui il va être lié par une histoire d'amour de près de trente ans. Il assure alors des premiers rôles au théâtre (les Parents terribles, de Jean Cocteau, en 1938) et au cinéma (l'Éternel Retour, de Jean Delannoy, en 1943, la Belle et la Bête, de Cocteau, en 1946, les Parents terribles, de Cocteau, en 1948, Orphée, de Cocteau, en 1950). À partir de la fin des années 50, il devient une vedette très populaire en interprétant des rôles de cape et d'épée (le Bossu, en 1959, et le Capitan, d'André Hunebelle, en 1960, le Capitaine Fracasse, de Pierre Gaspar-Huit, en 1961), et de gentleman cambrioleur dans la série des Fantômas toujours avec A. Hunebelle, aux côtés de Louis de Funès. Son dernier grand rôle date de 1970 dans Peau d'âne, de Jacques Demy. Il poursuit cependant jusqu'au bout sa carrière à la scène et à l'écran – on le retrouve une dernière fois au cinéma dans Parking, de Jaques Demy, en 1985 –, tout en se consacrant à la peinture et à la poterie.

MATOUB (Lounès),

chanteur algérien kabyle
Taourirt Moussa, Kabylie, 26 janvier 1956
Béni Douala, région de Tizi Ouzou, 25 juin 1998
Il devient dans les années 80 un des principaux représentants de la chanson kabyle, aux côtés de Aït Mengellet, Ferhat et ldir. S'accompagnant à la guitare, il propose des chansons très engagées en faveur de la défense de la culture kabyle et contre l'intégrisme. Cible désignée des islamistes, il est enlevé en septembre 1994, ce qui déclenche un très fort mouvement en sa faveur dans toute la Kabylie. Il est libéré au bout de deux semaines, ce qui fait douter certains de la véracité de son rapt. Installé alors en France, il continue cependant à militer pour la cause de la liberté et de la culture kabyle. Sa mort intervient â quelques jours de la mise en vigueur de l'arabisation de la société algérienne, qui défavorise la langue kabyle comme l'arabe dialectal et le français au profit de l'arabe classique.

MAUDUIT (Chantal),

alpiniste française
Paris, 1964
Népal, 16 mai 1998
Après avoir gravi le massif du Mont-Blanc, les sommets péruviens et les cascades de glace au Canada, elle devient la première femme au monde à atteindre sans oxygène cinq sommets de plus de 8 000 mètres. Militante convaincue en faveur du peuple tibétain, elle trouve la mort sous une avalanche, avec son compagnon de cordée sherpa, en escaladant le Dhaulagjri (8 167 mètres), un des sommets les plus difficiles de l'Himalaya.

MISRAKI (Paul Misrachi, dit Paul),

compositeur de variétés français
Constantinople, 28 janvier 1908
Paris, 30 octobre 1998
Élève à Paris du compositeur Charles Koechlin, il découvre Gershwin et Cole Porter en même temps que Ravel et Debussy. Au cours des années 30, il joue du piano dans l'orchestre de Ray Ventura, les Collégiens, et compose plusieurs titres qui deviennent d'immenses succès, « Tout va très bien, Madame la marquise », « Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux ? », « Tiens, tiens, tiens ». Il travaille ensuite pour Jean Sablon, Charles Trénet, Edith Piaf, Tino Rossi, Juliette Gréco et Yves Montand. Après la guerre, il compose pour le cinéma (Orson Welles, Claude Chabrol, Jean-Pierre Melville, Luis Buñuel), puis s'oriente vers le catholicisme et l'écriture de romans et d'essais.

MOUROUSI (Yves),

journaliste français
Suresnes, 20 juillet 1942
7 avril 1998
D'origine russe, il se fait connaître dans les années 70, après des débuts à la radio, comme présentateur du journal de 13 heures sur TF1. Doué d'un aplomb incomparable, mondain et noctambule, il n'hésite pas à faire de l'information spectacle, dont il est le monsieur Loyal, entouré de toutes les célébrités du moment. Il est l'un des premiers à présenter le journal en dehors du studio, sur les lieux mêmes de l'événement. Sa popularité atteint son sommet en 1985 quand il n'hésite pas à interroger d'une façon familière et décontractée le président de la République lui-même, François Mitterrand. Évincé de TF1 en 1988 pour cause d'Audimat insuffisant, il occupe différents postes dans la presse et à la radio avant d'être chargé de l'animation du millénaire pour la Ville de Paris.

ORDÓÑEZ (Antonio)

torero espagnol
Ronda, 16 février 1932
Séville, 19 décembre 1998
Fils et frère de torero, il débute dans l'arène dès l'âge de seize ans et devient matador de toros en 1953. Il impose alors son style personnel, tout en élégance et en connaissance intime des taureaux. Sa carrière se poursuit jusqu'au début des années 80, marquée par vingt-sept blessures, dont deux très graves. Ami d'Ernest Hemingway dans les années 50, il voit sa réputation quelque peu éclipsée par celle de son beau-frère et rival de corrida Luis Miguel Dominguin. Une fois retiré des arènes, il se consacre à l'élevage.

PAZ (Octavio),

écrivain mexicain
Mexico, 31 mars 1914
Mexico, 19 avril 1998
Fils d'une famille très intellectuelle, d'ascendance espagnole et indienne, il fréquente les milieux journalistiques de gauche puis rompt avec les communistes après la signature du traité germano-soviétique de 1939. Il entre dans la carrière diplomatique après la guerre. Nommé à Paris, il fréquente André Breton et les surréalistes, qui l'influencent notablement. Il publie de nombreux ouvrages, alternant recueils de poèmes, essais littéraires et essais politiques. Il se définit lui-même comme un écrivain critique et affirme que « la littérature moderne est et ne peut être que littérature critique ». Dans les années 60, il est nommé ambassadeur du Mexique en Inde, mais cesse sa carrière diplomatique après 1968, quand il rompt avec les autorités à qui il reproche violemment leur répression sanglante du mouvement des étudiants en 1968. Parmi ses nombreux ouvrages, on peut citer : Pierre de soleil pour la poésie ; Marcel Duchamp : l'apparence mise à nu pour la critique ; Une planète et quatre ou cinq mondes et le Labyrinthe de la solitude pour la réflexion politique et intellectuelle. Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1990. Dans les dernières années de sa vie, il soutient les gouvernements en place au Mexique, tout en défendant la cause de la liberté.

PELLOS (René Pellarin, dit),

dessinateur de BD français
Lyon, 22 janvier 1900
Cannes, 8 avril 1998
Après une jeunesse passée à Genève et une carrière de sportif de haut niveau dans l'athlétisme, il s'installe à Paris dans les années 30, où il entame une carrière de dessinateur sportif pour la presse. En 1937, il publie dans le magazine Junior une première BD d'aventure et de science-fiction, Futuropolis, inspirée par le film de Fritz Lang. L'essai est très remarqué. Arrive la guerre et Pellos participe à la Résistance. En 1948, il reprend la fameuse bande des Pieds nickelés, créée par Louis Forton. Sur des scénarios de Montaubert, cette reprise est un succès, qui se prolongera jusqu'au début des années 80.

PERKINS (Carl),

musicien américain
Tiptonville, Tennessee, 9 avril 1932
19 janvier 1998
Avec Elvis Presley, il est l'un des pionniers du rock'n'roll. Fin 1955, il enregistre aux fameux studios Sun de Memphis la chanson « Blue Suede Shoes », qui devient un des plus gros succès du rock naissant. Dans les années 60, il s'oriente vers la country music, tout en gardant le contact avec les musiciens du rock d'alors, comme les Beatles. Unanimement respecté, il continue de se produire jusqu'à la fin de sa vie.

PERNOUD (Régine),

historienne française
Château-Chinon, 17 juin 1909
Paris, 22 avril 1998
Spécialiste du Moyen Âge, elle a contribué à faire connaître cette période auprès du grand public. Depuis le début des années 50, elle s'est plus particulièrement attachée à la figure de Jeanne d'Arc, sur laquelle elle a publié dix ouvrages, dont le dernier en 1994, J'ai nom Jeanne la Pucelle. Elle fut à l'origine de la création, en 1973 à Orléans, du musée consacré à l'héroïne de la guerre de Cent Ans.

PILHAN (Jacques),

conseiller en communication français
1944 - 28 juin 1998
Il se fait connaître en étant le conseiller en image et communication de François Mitterrand de 1984 à 1995. Fasciné par le rôle de la télévision dans la formation de l'opinion publique, il estime que « l'image d'un homme public est autant déterminée par son écriture médiatique que par le contenu de ce qu'il dit ». Il étonne la classe politique en devenant, en 1995, le conseiller de Jacques Chirac pendant sa campagne électorale. Resté auprès de celui-ci, il lui conseille de se séparer d'Alain Juppé et désapprouve la décision de dissoudre l'Assemblée nationale.

POL POT (Saloth Sar, dit),

homme politique cambodgien
province de Kompong Thom, 1928
région d'Along Veng, 15 avril 1998
Fils de paysans aisés, il est élevé par les bonzes. De 1949 à 1952, il réside à Paris, où il suit une formation de technicien en électricité, tout en fréquentant des cercles communistes. Revenu au pays, il entame une carrière d'enseignant tout en menant une activité politique au sein du Parti des travailleurs du Kampuchéa. Il développe un discours nationaliste et communisant et, en 1967, entre en rébellion en attaquant une unité gouvernementale au nord-ouest du pays. En 1975, à la tête des Khmers rouges, il s'empare du pouvoir à Phnom Penh et pratique une politique impitoyable au nom d'idéaux nationalistes et révolutionnaires. Près de deux millions de personnes sont alors éliminées, ce qui constitue un des plus grands génocides du siècle. Il est chassé par les Vietnamiens en 1979 et reprend son activité de guérilla. Un temps allié à Norodom Sihanouk au sein d'un gouvernement provisoire en exil, il est progressivement marginalisé à partir de la fin des années 80. Le mouvement des Khmers rouges se dissout peu à peu et, en juillet 1997, Pol Pot est jugé par ses propres troupes pour avoir commandité l'assassinat d'un de ses rivaux à la direction du mouvement moribond.

PORSCHE (Ferdinand Anton Ernst),

constructeur automobile autrichien
Vienne, septembre 1909
Zell-am-See, 27 mars 1998
Fils du fondateur de la firme Porsche GmbH, qui réalisera pour l'Allemagne nazie le premier modèle de la Coccinelle, il crée après la guerre une première voiture de sport, la 356. En 1950, il fonde sa propre usine de voitures de sport à Stuttgart. Avec ses fils, il met au point en 1963 la mythique 911, dont la production va durer plus de trente ans. Depuis le début des années 70, la famille Porsche ne figure plus au directoire de l'entreprise, mais demeure un actionnaire important.

QUILLOT (Roger),

homme politique français
Hermaville, Pas-de-Calais, 19 juin 1925
Clermont-Ferrand, 17 juillet 1998
Issu d'une famille de mineurs du Nord, il devient professeur de philosophie, spécialiste d'Albert Camus, dont il supervisera l'édition des œuvres complètes dans « La Pléiade » et à qui il consacrera un essai remarqué. Il entre dans la vie politique, à la SFIO, dans les années 50. Il soutient Gaston Defferre au sein de la FGDS puis est élu premier adjoint du maire de Clermont-Ferrand en 1971, avant de le remplacer à ce poste en 1973 et d'entrer au Sénat l'année suivante. Il est nommé ministre du Logement du gouvernement Mauroy en 1981 et donne son nom à une loi très favorable aux droits des locataires. Défenseur infatigable de sa ville, il remporte une dernière bataille électorale contre Valéry Giscard d'Estaing en 1995. Miné par la maladie, il abandonne peu à peu tous ses mandats avant de se suicider avec son épouse. Celle-ci en réchappera.

ROBBINS (Jérome Rabinowitz, dit Jérome),

danseur et chorégraphe américain
New York, 11 octobre 1918
New York, 29 juillet 1998
Né dans un milieu d'émigrés russes, il se lance dans la danse dès 1937. Il se produit aussi bien dans des comédies musicales à Broadway que dans Petrouchka, sous la direction de Stravinsky, puis crée son premier ballet, Fancy Free, en 1944, sur une musique de Léonard Bernstein. Il travaille ensuite au New York City Ballet avec George Balanchine et crée à la fin des années 50 la comédie musicale West Side Story, sur une partition du même L. Bernstein. Il en cosigne l'adaptation cinématographique qui, connaîtra un succès mondial. À partir des années 70, il s'éloignera du show-business pour se concentrer sur des créations avec le New York City Ballet. Son dernier ballet Suite of Dances, est présenté en 1994.

ROCCA-SERRA (Jean-Paul de),

homme politique français
Bonifacio, 11 octobre 1911
Paris, 7 mars 1998
Descendant d'un ministre de Napoléon m, fils d'un médecin et homme politique, il devient lui-même médecin et entre dans la vie politique locale en 1949. Élu dès 1950 à la mairie de Porto-Vecchio, il sera constamment réélu. Entré au Parlement en 1954, il y siégera presque en permanence jusqu'à la fin de sa carrière. Adhérant au mouvement gaulliste, il domine la vie publique insulaire, occupant la présidence de l'Assemblée de Corse lors de la création de celle-ci en 1984. Celui qu'on surnommera le « renard argenté » se retire quelques mois avant sa mort après avoir transmis ses mandats à la mairie de Porto-Vecchio et à l'Assemblée de Corse à son fils Camille.

ROCHEFORT (Christiane),

écrivain français
17 juillet 1917 Le Pradet,
Var, 24 avril 1998
Elle se fait connaître en 1958 avec le Repos du guerrier, histoire sulfureuse d'une femme et d'un alcoolique, adaptée au cinéma par Roger Vadim avec Brigitte Bardot. Son succès est confirmé deux ans plus tard avec les Petits Enfants du siècle, premier roman sur les jeunes de banlieue, puis avec les Stances à Sophie, histoire du déclin d'un mariage bourgeois. Elle reçoit le prix Médicis en 1988 pour la Porte du fond, son dixième roman. Elle se définissait elle-même par une dédicace qu'elle avait adressée à l'auteur de Zazie dans le métro : « À mon cher Raymond Queneau, dont j'ai subi l'influence, mais pas assez ».

SAUVAGE (Catherine, Janine Saunier, dite)

chanteuse française
Nancy, 26 mai 1929
Bry-sur-Marne, 20 mars 1998
Elle débute à la Libération en chantant Aragon et Tranchant et fréquente le Saint-Germain-des-Prés d'alors. Elle rencontre Léo Ferré et connaît le succès en adaptant le répertoire de celui-ci. Elle popularise ensuite un grand nombre de talents en devenir et de poètes confirmés comme Gilles Vigneault, Serge Gainsbourg, Jaques Prévert ou Robert Desnos. Elle restera, avec sa coupe de cheveux à la garçonne et son jeu de scène expressionniste, comme une des grandes représentantes de la chanson à texte.

SCHUMANN (Maurice),

homme politique et écrivain français
Paris, 10 avril 1911
Paris, 10 février 1998
Converti au catholicisme et proche de Marc Sangnier, il débute dans le journalisme et dénonce, en 1938, les accords de Munich. Il rejoint la Résistance à Londres dès 1940 et devient le porte-parole de la France libre au micro de la BBC, où sa voix devient célèbre. À la Libération, il adhère au MRP et fait carrière dans la IVe République. En 1958, il rejoint à nouveau le général de Gaulle, mais rompt avec lui en 1962 sur la question européenne. Il revient au gouvernement en 1966 et devient ministre des Affaires étrangères de 1969 à 1973. Il écrit également de nombreux ouvrages et entre à l'Académie française en 1974.

SHEPARD (Alan),

spationaute américain
East Derry, New Hampshire, 18 novembre 1923
21 juillet 1998
Ancien de la marine américaine, il devient, après la guerre, pilote d'essai pour la Navy. Du fait de ses capacités exceptionnelles, il rejoint la NASA où il est choisi avec sept autres pilotes pour le programme Freedom-7. Quelques semaines après le vol du Soviétique Youri Gagarine, il est le premier Américain à être envoyé dans l'espace, le 5 mai 1961, pour un vol expérimental de cinq minutes. Il en revient avec de très sérieux problèmes d'oreille interne. Il se soigne activement et repart quelques années plus tard dans la course à l'espace. Il sera le cinquième à marcher sur la Lune, en février 1971, et restera dans l'histoire comme le premier golfeur sur l'astre mort. Il quitte la NASA en 1974 avec le grade de contre-amiral.

SINATRA (Frank),

chanteur américain
Hoboken, New Jersey, 12 décembre 1915
Los Angeles, 14 mai 1998
Né dans une famille d'origine sicilienne, Frank Sinatra se lance dans la chanson à vingt ans, après avoir vu Bing Crosby en concert. Sa véritable carrière commence six ans plus tard, lorsqu'il rejoint, en 1940, le grand orchestre de jazz populaire de Tommy Dorsey. Un an plus tard, il est numéro un au hit-parade. Fin 1942, il quitte l'orchestre de Tommy Dorsey, qui supportait mal la popularité de son jeune chanteur. Ses premiers tubes ont pour titre « Night and Day » ou « The Night we called it a Day ». En 1943, il entame une carrière cinématographique, dont les points forts seront ses rôles dans Tant qu'il y aura des hommes (1953), l'Homme au bras d'or (1956) et la Femme en ciment (1968). Sa voix d'or – on le surnomme « The Voice » (la Voix) – et son style crooner en font la grande vedette des années 40 et du début des années 50, avant l'explosion du rock'n'roll. Il reviendra cependant en tète des hit-parades en 1966 avec « Strangers in the Night » et, l'année suivante, avec « My Way », l'adaptation de « Comme d'habitude » de Claude François. Célèbre pour ses nombreuses conquêtes féminines (il sera, notamment, l'époux des comédiennes Ava Gardner et Mia Farrow), il retient également l'attention du public en raison de ses engagements politiques, d'abord en faveur des démocrates (jusqu'à ce que Bobby Kennedy bien informé de ses nombreuses accointances avec la Mafia, l'éloigné de la Maison-Blanche), puis des républicains, devenant un intime du couple Reagan. Il enregistre un dernier disque, Duets 2, en 1993, et continue de donner des concerts jusqu'en 1995.

SPOCK (Benjamin),

pédiatre américain
1903
La Jolla, Californie, 15 mars 1998
Il commence sa carrière de pédiatre à New York dans les années 30 et surprend ses patientes m leur expliquant qu'il faut toujours mettre en avant l'intérêt et le désir de l'enfant. Il devient mondialement connu dans les années 50 pour ses méthodes d'éducation permissives (nourrir le bébé quand il le réclame, ne pas contrarier l'enfant, etc.) et le plus connu de ses ouvrages, Dr Spock's Baby and Child Care, se vend à plus de 50 millions d'exemplaires à travers le monde. Dans les années 60, alors que la jeunesse conteste partout les institutions, beaucoup reprochent au Dr Spock d'être responsable de ce phénomène, d'autant que celui-ci milite activement pour les droits civiques et le pacifisme. Dans les années 70, il nuance quelque peu ses thèses en défendant une plus grande affirmation de l'autorité parentale et en prônant le rôle du père à côté de celui de la mère.

TABARLY (Éric),

navigateur français
Nantes, 24 juillet 1931
en mer d'Irlande, 13 juin 1998
Alors qu'il se rendait en Irlande à bord de son fameux Pen Duick I, dont il allait fêter le centenaire, le navigateur est projeté à l'eau au cours d'une manœuvre nocturne. Officier de marine, il se fait connaître en 1964 en remportant la fameuse Transat anglaise en solitaire (Ostar) à bord du Pen Duick II, un voilier de 14 mètres qu'il a dessiné lui-même. Dans les années qui suivent ce premier exploit, il gagne le Fasnet (1967), Sydney-Hobarth (1967), la Trans-Pacifique (1969), Falmouth-Gibraltar (1971), une deuxième Ostar (1976) et établit le record de l'Atlantique (1980). Il contribue, de façon décisive, à populariser la voile en France et forme toute une génération de navigateurs, qui allaient s'illustrer à leur tour, tels Alain Colas, Olivier de Kersauson, Marc Pajot, Philippe Poupon ou Titouan Lamazou. Technicien de grande valeur, il met au point avec les ingénieurs et les architectes maritimes plusieurs formules qui contribuent à révolutionner la voile, comme le multicoque, l'utilisation de matériaux nouveaux ou la conception de l'hydroptère, un bateau futuriste qui décolle en ne restant en contact avec l'eau que par ses foils. Il remporte sa dernière grande victoire en 1997 comme équipier d'Yves Parlier dans le Fasnet, en monocoque.

TAZIEFF (Haroun),

vulcanologue français
Varsovie, 11 mai 1914
Paris, 2 février 1998
Fils d'un médecin russe musulman et d'une chimiste et artiste polonaise, il passe sa jeunesse en Belgique, où il obtient un diplôme d'ingénieur agronome. Mobilisé et blessé pendant la Seconde Guerre mondiale, il rejoint la Résistance tout en passant un diplôme d'ingénieur des mines. Devenu ingénieur agronome au Congo belge, il y observe ses premières éruptions volcaniques. Sa vocation est née : il veut renouveler la science vulcanologique en étudiant les phénomènes éruptifs en cours. Il se fait connaître du grand public en multipliant les expéditions, les conférences et les films, notamment en 1959, avec les Rendez-vous du diable, qui font dire de lui à Jean Cocteau : « Vous êtes le poète du feu ». Devenu expert auprès de l'Unesco, il est nommé en 1968 directeur de recherche au CNRS, ce qui indigne bien des spécialistes, qui estiment qu'il n'est pas un véritable scientifique. Pourtant, ses avis s'avèrent souvent exacts et, en 1964, il évite une catastrophe au Costa Rica en préconisant des travaux de consolidation au pied d'un volcan. En 1979, cependant, son diagnostic optimiste sur un volcan des États-Unis se solde par la mort de 60 personnes. Proche de la sensibilité écologiste, il est nommé secrétaire d'État aux Risques majeurs dans le gouvernement socialiste de 1984. Quelques années plus tard, il se présente sur une liste en Isère aux côtés du RPR Alain Carrignon. Souvent critiqué – ses polémiques avec Claude Allègre ont défrayé la chronique –, il demeure une figure extrêmement populaire.