De nombreux essais sont toujours consacrés à la béance du siècle – la shoah – mot hébreu qui signifie catastrophe, mais aussi tourmente. Il faut revenir à Primo Levi, dont on publie Conversation et entretien (1987).

Oubli et commémoration

Tout tombe dans l'oubli et surtout les victimes des tourmentes sanglantes du siècle. Annette Becker examine, dans les Oubliés de la Grande Guerre, les souffrances des civils occupés, les évacuations forcées, les camps de représailles, – annonce d'autres camps à venir. Pierre Miquel (les Poilus d'Orient) s'intéresse à ces combattants perdus, qui moururent sur le front en Orient de 1915 à 1919.

Face à l'oubli, les commémorations sont déplus en plus nombreuses et de moins en moins objet d'intérêt. On peut lire à ce propos un livre intéressant : Naissance du Panthéon, de Jean Claude Bonnet, qui considère que le culte des grands hommes développé au xviiie siècle a contribué à la chute de la monarchie et que ce culte décline au moment où l'image protectrice du père s'efface.

Dans cette perspective, l'anniversaire de la proclamation française de l'abolition de l'esclavage (1848) est passé presque inaperçu, mais il nous vaut un livre remarquablement illustré. De l'esclavage aux abolitions, de Jean Metellus et Marcel Dorigny, sur les autres oubliés d'une pratique qui fit au moins 50 millions de morts.

D'autres formes d'esclavage sont toujours pratiquées, comme le rappellent les auteurs. Ainsi que le souligne Claude Romano dans sa remarquable étude à dimension philosophique, l'Événement et le monde, l'excès d'information donne aujourd'hui une forme éphémère à l'événement et la nouvelle nous bouscule sans nous atteindre.

Disparition

Le dernier livre, inachevé, de Jean-François Lyotard, la Confession d'Augustin, est paru après sa mort survenue en avril. Le philosophe en tête-à-tête avec l'inventeur de notre conception du temps accompagne et affronte dans ce dernier combat les mystères auxquels saint Augustin s'était converti. On peut voir dans ce livre un retour de l'auteur au temps de sa jeunesse où il avait connu la tentation du couvent et où il cherchait déjà comme l'enfant Augustin – et comme la littérature – « des signes pour traduire à d'autres ses impressions ».

G. H. Durand