De plus, on ne sait toujours pas faire pousser un embryon de mammifère en dehors d'un utérus maternel. Sauf à trouver des centaines de mères porteuses, on voit mal comment le clonage humain, dans un futur proche, pourrait être appliqué à grande échelle. Mais les progrès de la science sont parfois imprévisibles. Et le clonage d'êtres humains pratiqué au cas par cas, quels que soient les moyens nécessaires, est bel et bien imaginable dès maintenant.

L'éternité pour 200 000 dollars

Ni savant fou ni centre de recherche biomédical : la première institution à s'être officiellement lancée dans la course au clonage humain est la secte Raël, ou Mouvement raélien international Fondée par l'ex-journaliste français Claude Vorilhon, elle compterait entre 20 et 30 000 fidèles dans le monde. Convaincus de la pluralité des mondes habités et de l'existence des « Elohim » (« Ceux qui sont venus du ciel »), les raéliens rêvent d'égaler les prouesses techniques de ces extraterrestres, notamment celle qui consiste à pouvoir vivre plusieurs centaines d'années. Le transfert de la personnalité dans un nouveau corps via le clonage serait, selon eux, un premier pas vers cette « recréation », qui pourrait, à terme, permettre à l'humanité d'accéder à la vie éternelle. La secte a dans ce but fondé une société de services, nommée Clonaid dont le siège social est situé aux Bahamas. Moyennant la somme de 200 000 dollars (plus d'un million de francs), elle offre « l'assistance aux parents potentiels désirant avoir un enfant qui serait le clone de l'un d'eux ». Clonaid espère servir plus d'un million de clients dans le monde.

Un point de non-retour ?

Quels sont donc les objectifs de ceux qui estiment envisageable de franchir ce « point de non-retour » ? Les plus sérieux d'entre eux sont de deux ordres : constituer des banques d'organes parfaitement compatibles avec leurs receveurs, et pallier certaines formes de stérilité.

La première approche, dite « clonage thérapeutique », est de loin celle qui rallie le plus de suffrages dans le monde biomédical. Il s'agirait non pas de dupliquer un être humain, mais d'obtenir par clonage un embryon dont les cellules, voire les organes, seraient immunologiquement parfaitement compatibles avec ceux du donneur d'origine. Au plan thérapeutique, les applications d'un tel procédé sont loin d'être négligeables. Elles permettraient, par exemple, de greffer de nouveaux neurones à un sujet atteint de la maladie de Parkinson, ou encore de régénérer la moelle osseuse d'un patient leucémique.

Quel que soit l'organe considéré, l'obstacle majeur au succès des transplantations reste en effet l'immunocompatibilité du donneur et du receveur. Certes, les traitements immunosuppresseurs mis au point ces dernières décennies ont permis, dans ce domaine, d'enregistrer des progrès considérables. Mais le moyen le plus sûr d'éviter tout rejet de greffe continue d'être la transplantation de tissus et d'organes génétiquement identiques à ceux de son propre organisme. Une compatibilité parfaite qui n'est à l'heure actuelle réalisée qu'entre vrais jumeaux (monozygotes), mais que le clonage humain permettrait de généraliser. À petite échelle, et sans passer par le stade embryonnaire, ce clonage « non reproductif » est déjà mis en œuvre. Depuis une quinzaine d'années, la culture in vitro de cellules de peau, prélevées sur l'épiderme de grands brûlés juste après leur accident, permet ainsi à ces écorchés vifs de retrouver une enveloppe cutanée viable et définitive, sans que le moindre rejet immunologique survienne lors de ces autogreffes. D'où l'idée, rendue possible par l'existence de Dolly, et défendue par certains : produire, à partir d'une cellule adulte de n'importe quel individu, un embryon qui lui soit génétiquement identique ; cultiver cet embryon in vitro et obtenir en culture la différenciation de ses cellules en différents types (neu-ronal, hépatique, pancréatique). Une performance qui reste à ce jour irréalisable sur les cellules humaines, mais qui est déjà mise en œuvre chez la souris. Celle-ci possède en effet des cellules particulières, dites ES (embryonic stem cells), qui peuvent, moyennant des conditions de culture adéquates, adopter n'importe quel type de différenciation.