Depuis le début des années 80, pour lutter contre la crise, les États-Unis puis les pays européens ont appliqué les mesures qui devaient aboutir à la « délégitimisation » de l'action de l'État : il ne doit pas être regardé comme le substitut du marché ni le correctif de ses défaillances. Comme mesures, il faut citer la libre convertibilité des monnaies, la réduction progressive et annoncée de l'expansion de la masse monétaire (lutte contre l'inflation), les privatisations, la compression des dépenses publiques, la baisse des prélèvements fiscaux et des charges sociales, la suppression du salaire minimum.

La réaction keynésienne

Pour les keynésiens, c'est-à-dire les économistes généralement orientés à gauche et se réclamant du Britannique John Maynard Keynes, le bilan des politiques libérales est loin d'être convaincant. S'ils ne nient pas que la rentabilité et la compétitivité des firmes se sont améliorées, le bilan au plan social est beaucoup moins favorable : le taux de chômage ne baisse pas, tandis que la part des salariés dans la valeur ajoutée diminue continuellement. Il est donc devenu contre-productif de laisser les profits s'accroître puisque ce mouvement réduit les revenus salariaux, donc la consommation, sans favoriser l'investissement. Reconnaissant que le coût du travail est excessif, les keynésiens préconisent une réduction des charges sociales (surtout sur les bas salaires) plutôt que des rémunérations afin de créer de nouveaux emplois (surtout dans le secteur tertiaire) et obtenir ainsi une relance par la demande.

G. R.

Les lectures clefs

Plusieurs ouvrages d'économie ont défrayé la chronique, ne serait-ce que parce qu'ils exprimaient une crainte latente chez les lecteurs, celle du chômage généralisé. Dans son pamphlet l'Horreur économique (qui a connu un véritable triomphe en librairie, tout à fait inusité pour ce genre d'ouvrage), Viviane Forrester accuse le capitalisme anglo-saxon de vouloir s'acharner à faire disparaître le travail d'une importante partie de la population pour le plus grand profit d'une minorité de gens bénéficiant d'une haute qualification. Pour sa part, Jeremy Rifkin explique dans la Fin du travail qu'aux États-Unis, surtout du fait de l'évolution technologique et de la révolution informatique, les créations d'emplois concernent deux catégories de salariés : les plus qualifiés de mieux en mieux payés et les moins qualifiés qui, malheureusement, voient leur travail de moins en moins rémunéré. Entre les deux, les classes moyennes, des cadres intermédiaires aux ouvriers spécialisés, voient leurs positions de plus en plus laminées.

La Ve République en question

La dissolution de l'Assemblée nationale, décidée par le chef de l'État deux ans après son accession à l'Élysée, a donné au pays une majorité de gauche. Un échec personnel pour Jacques Chirac. Mais aussi un échec qui affaiblit la fonction présidentielle et qui relance le débat sur la réforme des institutions de la Ve République.

Dissolution pour affronter les échéances européennes avec une « majorité ressourcée » ? Dissolution pour « convenance personnelle » ? Peu importent les raisons, une telle décision est une des prérogatives du chef de l'État dans les institutions de la Ve République (article 12 de la Constitution). Mais en faisant – et en perdant, surtout – le pari de la dissolution, Jacques Chirac a créé une situation inédite qui affaiblit considérablement la fonction présidentielle.

À l'inverse de son successeur, François Mitterrand, qui, par deux fois, avait dissous « à chaud » l'Assemblée nationale dans la foulée de l'élection présidentielle, en 1981 et 1988, afin de se donner pour cinq ans une majorité parlementaire, Jacques Chirac a pris le risque d'opérer « à froid ». En cherchant, deux ans après son arrivée à l'Élysée, une confirmation de l'adhésion de l'électorat à la politique suivie et n'en obtenant qu'un désaveu, le chef de l'État, bien involontairement, a relancé le débat sur le bien-fondé des institutions de la Ve République.