Tout indiquait en 1997 que la France était en train de modifier ses orientations politiques en Afrique, qu'il s'agisse de la chute de Mobutu au Zaïre, de la restructuration de l'armée française ou de la diminution de l'aide au développement consentie par Paris. L'attention de ses ministres se porte davantage sur l'Afrique anglophone, et en particulier sur l'Afrique du Sud. Un regard qui dit combien on cherche à compenser les revers subis par l'influence française au Zaïre, au Rwanda et au Burundi, anciennes colonies belges. À l'égard de ses anciennes colonies – parmi elles, quatorze bénéficient d'un lien monétaire et six d'un accord de défense avec Paris –, la France a commencé à adopter un comportement moins exclusif, considérant qu'il ne lui est plus possible d'être le principal soutien économique et militaire de ces États. La fin des années 90 a aussi montré que la France tend à employer avec plus d'économie ses propres forces militaires. Et si elle ne semble pas vouloir renégocier ou dénoncer l'un ou l'autre des accords de défense qui la lient à Djibouti, à la République centrafricaine, au Tchad, au Gabon, à la Côte d'Ivoire et au Sénégal, il apparaît que le nombre de ses troupes présentes en Afrique se réduira inéluctablement (8 200 hommes en 1997).

Des révisions déchirantes

La France n'a donc plus les moyens ni la volonté de porter à bout de bras ses ex-colonies. Tout indique que la doctrine de la souveraineté limitée des « chasses gardées » en Afrique n'est plus d'actualité. Aussi, Paris semble bien décidé à octroyer à ses anciennes colonies la pleine liberté, incluant, on l'a vu en Centrafrique, celle de s'entre-tuer. Au Congo, on a pu vérifier que rien n'était plus délicat que de couvrir une retraite qui ne dit pas son nom. Signe des temps qui changent, la cellule de crise interministérielle mise en place à Paris pour faire face à la crise congolaise a été aussitôt démantelée dès lors que le dernier soldat français avait quitté Brazzaville. Une à une les capitales d'Afrique francophone s'embrasent, autant de feux qui témoignent que la mission civilisatrice de la France a échoué, qu'elle a fini par faire naufrage sur un continent et dans un monde ayant profondément changé. L'heure a déjà sonné pour les casques bleus de l'ONU d'assurer la relève des soldats français sur le « pré-carré » ; le « grand frère », qui avait su maintenir des liens forts bien au-delà de l'indépendance des drapeaux, est littéralement saisi d'un afropessimisme sans espoir de rémission.

P. F.

La francophonie dans l'impasse

La francophonie ne s'est élevée au rang de politique officielle qu'avec le déclin progressif de l'influence politique de la France en Afrique. Le premier sommet de la francophonie ne s'est tenu qu'en février 1986, à Versailles. Lors du sommet de La Baule, cinq ans plus tard, François Mitterrand avait tenté, en prônant des élections libres et le pluralisme en Afrique, de rendre à la francophonie sa fonction première, conçue cent ans auparavant : être le fer de lance de la République. Son successeur à l'Élysée ne se sera pas exprimé sur le sujet. Finalement, moins la France détient de pouvoir réel, moins sa culture paraît convaincante.

Ultralibéralisme et keynésianisme

La campagne des élections législatives françaises de mai 1997 a été marquée par un débat opposant partisans de « l'ultraliberalisme » et défenseurs du « keynésianisme ». Pour les premiers, il faut abandonner le « tout État », c'est-à-dire l'interventionnisme des pouvoirs publics avec le cortège habituel de rigidités pouvant ainsi freiner, voire bloquer, la croissance économique. Inversement, les seconds préconisent le rejet du modèle libéral, destructeur continuel d'emplois, et l'adoption d'une politique de stimulation de la demande globale afin de combattre le chômage massif pesant sur les économies européennes et américaine.

Selon l'économiste américain Milton Friedman, si les économies contemporaines souffrent depuis le début des années 1980 de dysfonctionnements, de chômage et de problèmes sociaux, c'est en raison des comportements perturbateurs de ceux (individus, groupes) qui font prévaloir leurs intérêts particuliers (intérêts acquis, positions dominantes) sur l'intérêt général, réduisant ainsi l'efficacité régulatrice du marché. Pour les ultralibéraux, si le « tout marché » doit se substituer impérativement au « tout État », il ne faut pas hésiter à se débarrasser de toutes les rigidités qui entravent le fonctionnement concurrentiel des marchés et nuisent au dynamisme de la libre entreprise (réglementation du travail, poids des monopoles publics, charges liées à la protection sociale). Libéraux et ultralibéraux se distinguent par cette volonté, graduelle chez les premiers, systématique chez les seconds, de se défaire de tout ce qui est considéré comme des « contraintes bureaucratiques ».