Journal de l'année Édition 1998 1998Éd. 1998

France-Allemagne : pour un « concept stratégique commun »

Réunis les 24 et 25 janvier à Aix-la-Chapelle, les parlementaires français et allemands – tous partis politiques confondus – ont pu débattre de la coopération en matière d'armement et commenter le « concept stratégique commun » que le conseil franco-allemand de sécurité et de défense, présidé par Jacques Chirac et Helmut Kohl, avait adopté le 9 décembre 1996 lors du sommet de Nuremberg.

En décidant de resserrer les liens en matière de défense, Paris et Bonn ont pris acte des changements intervenus dans le rapport des forces en Europe et ont tiré les conclusions des progrès de l'intégration européenne dans tous les domaines. Toutes choses de nature à rendre les intérêts des deux pays indissociables. Que les deux parties aient fait le constat de la nécessaire convergence de leur politique de défense ne confère pas pour autant une profonde originalité au texte. Ce dernier, même s'il souligne quelques ruptures avec les dogmes gaullistes, présente plutôt une synthèse des orientations déjà perceptibles depuis plusieurs mois. Ainsi, J. Chirac et H. Kohl ont confirmé qu'ils partageaient le même sentiment au sujet de l'élargissement de l'OTAN, jugé inévitable, voire nécessaire ; accord sans ombre aussi quant à la redéfinition des relations avec la Russie, que tous deux ne souhaitent pas isoler.

Le concept stratégique commun

Concernant les relations bilatérales, Paris et Bonn se trouvent placées sur un pied d'égalité. La France a dû abandonner son statut de puissance victorieuse – une manière pour elle de compenser jusqu'alors son handicap économique par une prééminence stratégique. Sur la question de l'arme nucléaire, propre à perturber cette parité officiellement reconnue, l'Allemagne a fait un pas significatif en se déclarant prête à ouvrir « un dialogue sur le rôle de la dissuasion nucléaire dans le contexte d'une politique européenne de défense ». On peut également lire dans le texte présenté à Aix-la-Chapelle que « la garantie de sécurité ultime des alliés est fournie par les forces nucléaires de l'Alliance, en particulier celles des États-Unis ; les forces nucléaires indépendantes de la France et de la Grande-Bretagne, qui remplissent une fonction de dissuasion propre, contribuent à la dissuasion et à la sécurité globale ».

Les inquiétudes nourries par l'Allemagne au sujet de la professionnalisation de l'armée française ont également été apaisées : le texte affirme que les deux parties sont engagées à part égale dans la défense de l'alliance contre un ennemi extérieur ainsi que dans la préservation de la stabilité internationale. L'Allemagne, qui pouvait redouter un partage des tâches peu équitable – les Français assurant les missions « nobles » de rétablissement de la paix et les Allemands se consacrant à la défense territoriale classique – est donc pleinement rassurée. De toute façon, Paris considère qu'une armée de métier est inévitable à terme en Allemagne, même si pour l'heure le sujet reste encore extrêmement sensible. De façon plus générale, le « concept stratégique commun » fait écho à la position défendue par les deux pays dans les négociations sur la révision du traité de Maastricht. Il y est clairement dit que la politique européenne de défense doit être placée sous la responsabilité politique du Conseil européen. Ce qui signifie que l'Union européenne de défense (UEO) devra être intégrée dans l'Union européenne.

Un pilier européen de Défense

La coopération sur le renseignement stratégique était également au menu du sommet de Nuremberg. Un accord-cadre et deux accords particuliers prévoient l'édification de part et d'autre du Rhin d'un système spatial de reconnaissance stratégique auquel devraient collaborer à terme l'Italie et l'Espagne selon des modalités qui restaient encore à définir. Par ailleurs, Bonn s'est prononcée en faveur du lancement en 1999-2001 de l'industrialisation du système de reconnaissance KZO-Brevel, soit un drone (avion sans pilote) du champ de bataille. De son côté, la France a promis de dégager les crédits nécessaires à l'acquisition des drones de reconnaissance à partir de 2002.