Journal de l'année Édition 1998 1998Éd. 1998

La mort de Lady Diana

La disparition de la princesse de Galles, morte à trente-six ans dans un accident de voiture à Paris, a provoqué une émotion considérable dans le monde. Elle a également déclenché une polémique sur le rôle des « paparazzi » et fragilisé encore plus la monarchie britannique, dont l'étiquette rigide à l'excès est apparue à mille lieues de la réalité actuelle. La vie de la « princesse du peuple », héroïne d'un conte de fées des temps modernes, s'est terminée en tragédie dans un tunnel au cours de la nuit du 31 août au 1er septembre.

« Diana est morte ». Le flash est tombé le 1er septembre sur les fils de l'agence France-Presse. Il est 5 h 44 min du matin. La princesse de Galles, « lady Di » pour le monde entier, ex-épouse du prince Charles, héritier de la couronne d'Angleterre, et « reine des médias », a trouvé la mort à l'âge de trente-six ans dans un accident de voiture, sous le tunnel de l'Alma, le long des quais de la Seine, à Paris. Le conte de fées dont la jolie princesse était l'héroïne, et que des millions de lecteurs de la presse tabloïd suivaient semaine après semaine, s'achève comme une tragédie des temps modernes. Après une folle course-poursuite avec des paparazzi qui voulaient une énième photo volée de ses amours avec son nouvel ami, le milliardaire égyptien Emad Al Fayed. Amours qui avaient alimenté la une des magazines à sensation pendant tout l'été et qui se terminent dans le sang et les tôles froissées d'une Mercedes « de grande remise » pilotée à grande vitesse par un chauffeur ivre – les analyses le révéleront – tentant d'échapper à la meute de photographes peu scrupuleux. Des quatre passagers de la voiture, seul le garde du corps de celle que l'on a baptisée la « princesse du peuple » ou la « princesse des cœurs », échappera à la mort.

Dès l'annonce du décès de « lady Di », l'onde de choc est considérable dans le monde. L'émotion est à son comble et frise parfois l'hystérie collective, tant la ferveur émotionnelle que provoque cette nouvelle est grande. Rarement, ce qui reste, en dépit de la personnalité des acteurs de ce drame, un fait divers n'aura suscité un tel engouement planétaire. Rarement une enquête n'aura été accompagnée d'un tel déferlement de fausses informations et de rumeurs. N'a-t-on pas parlé d'un attentat ? Le parquet de Paris n'a-t-il pas confié d'emblée l'enquête à la brigade criminelle ? Mais, au-delà, si la disparition tragique de la princesse va relancer avec force la polémique sur le respect de la vie privée, elle va surtout provoquer en Grande-Bretagne une remise en question de la pratique monarchique de la famille royale, dont l'étiquette trop rigide et hors du temps est massivement condamnée par l'opinion.

Les paparazzi en accusation

Bien que rien ne prouve encore que les photographes qui ont pris en chasse à moto la Mercedes de « lady Di » à la sortie du Ritz, (ci-dessus) le soir du drame, soient directement responsables de l'accident, les sept qui étaient sur place à l'arrivée des premiers secours et de la police ont été mis en examen pour homicide involontaire et non-assistance à personne en danger, et leurs pellicules, confisquées. A-t-elle été la victime de ceux qui la pourchassaient ? Sans doute est-elle morte traquée par les médias qui l'avaient mise en scène depuis plus de quinze ans, depuis que Diana Spencer, jeune fille de dix-neuf ans, était devenue, en 1981, l'épouse de l'héritier du trône d'Angleterre avant de redevenir « libre » en 1992 après un mariage raté. Quinze années pendant lesquelles elle a été la femme la plus photographiée de la planète. Sa vie se confondait avec ses images dans les médias. Des médias qu'elle savait utiliser dans sa guerre contre la famille des Windsor pendant son divorce avec Charles et pour peaufiner son rôle de princesse du peuple ou des cœurs. Certes, elle défend les causes humanitaires, allant vers les victimes du sida, prend la tête du combat contre les mines antipersonnel, mais toujours avec une meute de photographes derrière elle. Par les médias, elle arrive à gagner son émancipation et sa popularité face aux Windsor, mais Diana Spencer s'enferme dans un système dangereux : elle devient l'otage de ces médias, ils la harcèlent dans sa vie publique et surtout dans sa vie privée, dont elle veut pleinement profiter depuis son divorce. D'accord, à trente-cinq ans, elle est jeune, libre et riche, mais elle est victime du système qui lui a permis d'aboutir à ses fins. Elle est piégée. Les lecteurs veulent toujours en savoir plus sur le destin, qu'ils n'imaginent pas tragique, de cette princesse de conte de fées. Rien ne pouvait empêcher cette traque qui lui sera fatale. Et, peu de temps après sa mort, le succès des fameux tabloïds ne se démentait pas, même si ces derniers – en hommage à celle qui les avait si longtemps enrichis ? – n'ont publié aucune des photos de l'accident.

Les Windsor en question

Paradoxe : si, de son vivant, « lady Di » n'aura pas réussi véritablement dans son entreprise de dénonciation à peine voilée d'une monarchie anglaise décalée et ne répondant pas aux attentes du peuple, sa mort va provoquer un véritable séisme dans la famille royale. Alors que des centaines de millions de téléspectateurs vont suivre en direct, le 6 septembre, à la télévision, la cérémonie à l'abbaye de Westminster, qu'une foule d'une ampleur exceptionnelle se massera sur le passage du cortège funèbre (plus de 2 millions de personnes selon la BBC. Un record historique !), l'attitude jugée trop distante observée par la reine et Charles, le prince héritier, va illustrer le fossé grandissant qui existe entre la Couronne et ses sujets. Jamais, pendant cette semaine de deuil qui va précéder les obsèques, l'institution monarchique, tel le qu'Élisabeth II l'incarne, n'aura été autant bousculée et coupée des réalités du pays. Jamais la reine n'aura été autant critiquée et le protocole « d'un autre siècle », vilipendé. Dans un sondage pour le compte du Sunday Times, 72 % de ses sujets estiment qu'elle est « en dehors du coup », 53 % veulent qu'elle abdique dès maintenant. Et son fils Charles, l'héritier de la couronne, ne s'en tire guère mieux puisque 58 % des sondés ne le veulent pas comme roi et lui préfèrent Williams, le fils aîné de Diana, « seul capable de moderniser une monarchie vieillie et de perpétuer l'image de modernité que sa mère avait insufflée à une institution raidie dans ses traditions. À croire que, en enterrant Diana, la Grande-Bretagne voulait en profiter pour enterrer une certaine idée de la monarchie.