Swinging London

En avril 1966, Londres avait fait sous ce titre la couverture de Time Magazine. Une époque trouvait ainsi son nom, à travers l'hommage rendu à une ville qui dictait au monde les tendances à suivre en matière de mode, de musique et d'art. Trente ans après, la capitale britannique fait à nouveau les couvertures des revues internationales. Vive le Swinging London II !

Le styliste John Galliano, l'artiste Damien Hirst ou le groupe musical Oasis ont pris les places laissées vacantes par les enfants terribles des années 60, Mary Quant, David Bailey et les Beatles. La renaissance de la consommation a tout bouleversé, de l'art au cinéma, de la mode à la gastronomie et de la musique à la littérature. S'il existe un élément qui caractérise le courant créateur qui a déferlé sur la capitale au cours des dernières années, c'est bien le désir de profiter de tout ce qui est britannique. C'est une rupture radicale avec l'attitude qui prévalait à la fin des années 80 et au début des années 90, époque où l'on témoignait d'une passion envers tout ce qui n'était pas britannique : chic français, pouvoir économique allemand, films américains et design japonais. Qui aurait pu se douter qu'un « brit » pourrait se trouver un jour à la tête des créations Christian Dior, que des groupes exclusivement britanniques, comme Oasis et les Spice Girls, domineraient le monde de la musique ou encore que Londres rivaliserait avec New York sur le plan gastronomique ? Toujours est-il qu'au cours des cinq dernières années Londres est passée d'une profonde récession à un renouveau culturel. Pourquoi ?

Il y a avant tout des raisons économiques à cela. La Loterie nationale, créée il y a trois ans, a investi des sommes considérables dans la création artistique, tandis que l'Eurostar a propulsé les consommateurs du continent vers le cœur de Londres. Mais, plus significatif, la Grande-Bretagne a été le premier pays européen a émerger de la récession du début des années 90. Son taux de croissance économique est un des plus élevés et son taux de chômage un des plus bas d'Europe, ce qui a donné naissance à un public consommateur sûr et confiant. Cette tendance fut mise en évidence par l'ouverture du restaurant Quaglino en 1993. Ce restaurant de plus de 400 places s'éloignait tellement des normes établies qu'il donnait à son concepteur, sir Terence Conran, des sueurs froides. Or, dès le premier jour, il afficha complet, démontrant ainsi que les classes moyennes londoniennes existaient, se portaient bien et étaient prêtes à dépenser pour se distraire.

Un retour d'hédonisme

Aujourd'hui, la cité londonienne multiplie ses initiatives culinaires avec l'ouverture d'une multitude de restaurants proposant une large diversité de cuisines cosmopolites. En témoignent le spectaculaire Oxo Tower à Waterloo, le très exclusif River Café à Hammersmith et la dernière entreprise risquée de Conran, le Bluebird à Kings Road. « Gastrodrome » regroupant marché en plein air, café, restaurant et boutique d'ustensiles de cuisine, le Bluebird est à l'avant-garde de la nouvelle cuisine britannique.

Marco Pierre White est un rival de poids, le plus jeune et le seul chef britannique à avoir été gratifié de trois étoiles par le guide Michelin. L'énorme succès qu'ont remporté ses restaurants, le Criterion et The Restaurant à Londres, a retenti dans les cercles internationaux ; il est même question maintenant de contrats à l'étranger.

Mais la révolution gastronomique ne se limite pas aux sphères de la haute cuisine. De nouveaux bistrots et cafés saturent littéralement les quartiers de Soho, Notting Hill et Camden. Parallèlement, la nouvelle vague de boîtes, comme le Ministry of Sound et le Blue Note, et les clubs privés, tels que le Groucho et le Soho, accueillent le beau monde du Swinging London. Liam Gallagher, d'Oasis, et Damien Hirst, l'artiste au penchant pour les cadavres de moutons conservés dans le formol, sont des assidus du Groucho. Club rival, le Soho est fréquenté par l'acteur Hugh Grant et le metteur en scène Alan Parker. Devenus un noyau d'échanges et un aimant pour l'élite créatrice londonienne, ces clubs se devaient d'être au cœur du Swinging London.