À cette même époque, la Fondation Royaumont consacra quatre week-ends à Schubert, avec trois récitals de lieder et la présentation en version concert de deux opéras en un acte, Der vierjährige Posten, D 190 (« Quatre Ans de garde ») et Die Zwillingsbrüder, D 647 (« les Jumeaux »).

Deux villes françaises ont célébré avec éclat ce bicentenaire. À Nantes s'est tenue une « Folle Journée Schubert » avec la participation de centaines d'artistes, de milliers de mélomanes ; la musicologue Brigitte Massin a raconté Schubert. La vieille ville était devenue le lieu d'une une vraie « schubertiade », comme d'ordinaire la Radio Suisse romande sait en organiser (mais désormais tous les deux ans seulement). Lille, pour sa part, grâce à l'Orchestre national de Lille et à son chef Jean-Claude Casadessus, organisa une série de sept concerts dans toute la région, des deux côtés de la frontière (de Liège, Namur et Waregem à Dunkerque, de Tournay à Jeumont), avec des solistes de la qualité de Cyprien Katsaris, le Quatuor Lalo, les premiers pupitres de l'Orchestre national et les chefs Michaël Stern, Vassily Sinaisky, Heinz Wallberg et, bien sûr, Jean-Claude Casadessus.

À Paris, le théâtre du Châtelet a affiché un important cycle Schubert qui a débordé sur toute la programmation, des Midis musicaux aux concerts du soir, avec la participation de Gidon Kremer et de sa Kremerata Musica, de Nikolaus Harnoncourt à la tête du Concertgebouw d'Amsterdam pour l'intégrale des symphonies, et, les dimanches matin, avec les solistes de l'Orchestre de Paris.

Mais le plein feu le plus original sur l'œuvre et l'interprétation de Schubert a été réalisé, d'une part, à la Sorbonne, où s'est réuni un colloque international sur l'Évolution du style instrumental de Schubert, des sources musicologiques à l'analyse musicale, avec la participation du Quatuor Arpeggione, et, d'autre part, à la Maison de la Poésie. Dans cet ancien théâtre Molière, devenu un des plus beaux lieux de spectacle de la capitale, Michel de Maulne a présenté une semaine de concerts organisés par la pianiste Dana Cioccarlie : sonates, duos, fantaisies, moments musicaux et autres impromptus ont relayé lieder et trios, en une élégante semaine de schubertiades, alors qu'Éric Auvray mettait en scène Schubert et ses poèmes, dits par Marc Chouppart et chantés par Gérard Théruel. Tout le parcours ésotérique du voyage humain, avec cet énigmatique Wanderer qui passe trente-deux ans sur terre à rechercher la beauté, à côtoyer les poètes, à questionner l'au-delà : « Ai-je une place sur cette terre ? » s'interrogeait Franz Schubert.

Dietrich Fischer-Dieskau à l'honneur

Pour marquer le bicentenaire de Franz Schubert, la presse musicale internationale a décerné son grand prix annuel au baryton Dietrich Fischer-Dieskau pour son travail exemplaire, à la fois musical et musicologique, en faveur des lieder de Schubert. Ce grand prix récompense, chaque année, une personnalité du monde musical dont le travail a obligé la critique à réviser ses critères d'appréciation, donc à reconsidérer une œuvre, un compositeur ou une époque.

Le Naïf et la Mort

Tel est le titre révélateur du livre publié par Rémy Stricker chez Gallimard pour marquer ce bicentenaire. Venant après de remarquables ouvrages sur Schumann, Mozart et Liszt, ce Schubert se signale par une résonance très particulière, comme si la sensibilité de l'auteur se trouvait soudain en étroite symbiose avec celle du compositeur. Il y a ainsi dans les analyses des dernières œuvres, et surtout de Mein Traum – ce texte mystérieux d'un Schubert de vingt-cinq ans –, une profondeur et une émotion qui n'ont d'égal que la clarté de l'expression et l'intelligence du commentaire.

Antoine Livio