Journal de l'année Édition 1998 1998Éd. 1998

César joue sur les effets scalaires avec la série des Empreintes où il monumentalise son pouce ou un sein, agrandis au moyen d'un pantographe. Son Pouce fait l'objet d'une multitude de versions, dans une gamme de matières nobles (bronze) ou pauvres (résine), durables (marbre), fragiles (cristal) ou périssables (sucre). Le Sein (1966), surdimensionné, en polyester rouge, est posé à même le sol comme le sont, un an plus tard, les Expansions. Ces œuvres sont réalisées à partir de polyuréthane, matière chimique dont la particularité est de se solidifier au contact de l'air. Avec les Expansions, César exploite à nouveau la force du hasard. La matière s'épanche cette fois au sol ; elle ne se dresse plus contre le spectateur mais occupe son territoire de marche. Un esprit de liberté souffle sur ces œuvres dont le projet est incontrôlable. Celles qui sont présentées ici, recouvertes souvent de laine de verre, ont une remarquable qualité plastique. La surface luisante du polyuréthanne leur donne un caractère pop que l'on retrouve ensuite dans les Compressions de Plexiglas des années 70, dont les couleurs sucrées (rosé, orangé, violet) confirment un certain caractère ludique. Revenant aux sources plus trash de l'esthétique du rebut, César réalise une série de Compressions murales avec des cageots, des fils de laine, des jeans, ou des cartons. Mais cette fois, les cartons et affiches, plus récents, ont perdu la trace de l'usure du temps, révèlent ouvertement leur caractère décoratif, demandent trop à s'accoupler avec la commode Louis XV. La très bonne sélection des œuvres découvre l'esthétisme de l'œuvre, tout comme dans les récupérations d'Arman ou de Chamberlain. C'est ce que confirme, plus récemment, la série des Hommages à Morandi, où César compresse des brocs émaillés sur des toiles afin de reconstituer, à sa manière, l'ambiance feutrée des natures mortes du peintre italien. Le sculpteur cite alors de plus en plus l'histoire de l'art, fait des clins d'œil à la sculpture antique et au genre classique de la vanité dans des Autoportraits qui associent toutes les techniques de l'assemblage composite. L'œuvre parle de plus en plus d'elle-même, avec parfois la tentation d'un narcissisme contenté.

Pascal Rousseau