La douleur devenue chronique influe sur le patient lui-même mais aussi sur le comportement de son entourage familial ou médical. C'est pourquoi, dans plusieurs grandes villes, des programmes d'évaluation et de traitement de la douleur à domicile ont été mis en place dans le cadre plus général de l'hospitalisation à domicile (HAD). La population concernée était d'abord celle des patients sidéens, puis celle des cancéreux ; désormais, elle s'étend à tout sujet souffrant physiquement. L'effet conjugué de la demande des patients et de leurs proches, des progrès de la technique médicale et des contraintes économiques de plus en plus lourdes tend à privilégier le traitement à domicile. Celui de la douleur cancéreuse en constitue une indication privilégiée si les équipes médicales sont bien formées, des enquêtes ayant montré qu'encore 30 à 40 % seulement des patients soignés à domicile s'estimaient suffisamment soulagés de leur douleur.

Oser la morphine

Au 39e rang mondial en 1987 pour la consommation par habitant de morphiniques, la France figure aujourd'hui au dixième rang... Il s'agit là d'un excellent indicateur indirect de la qualité de prise en charge de la douleur. Ces progrès récents sont l'œuvre de médecins mais aussi de parlementaires, notamment de Lucien Neuwirth, sénateur de la Loire.

Il a été trop longtemps enseigné que la morphine ne devait être administrée qu'en cas de nécessité absolue, au terme même de l'existence, sous prétexte d'un risque majeur de dépression respiratoire et, bien sûr, d'une accoutumance menant à la toxicomanie. Son administration est désormais facilitée : la durée maximale de prescription des présentations orales a été doublée, passant de 14 à 28 jours. Mais le système demeure contraignant au plan administratif. Peut-être l'informatisation des dossiers médicaux des patients permettra-t-elle de voir disparaître le système actuel du carnet à souche. Quoi qu'il en soit, la vente de morphiniques, aux hôpitaux comme aux officines, s'est régulièrement accrue dans les années 90, ce qui témoigne d'une modification du comportement des médecins, qui hésitent moins à recourir à des produits efficaces. Par ailleurs, les progrès réalisés dans l'électronique et la miniaturisation permettent d'instaurer à domicile une analgésie contrôlée par le patient lui-même. Outre la perfusion continue de l'analgésique constituant la dose de base, le malade peut, grâce à un pousse-seringue ou à une pompe électronique, s'administrer des doses supplémentaires dans des conditions prédéterminées par le médecin.

Denis Richard