Depuis une dizaine d'années, les progrès de la biologie moléculaire permettent en effet de modifier le patrimoine héréditaire de pratiquement n'importe quel organisme vivant, en introduisant dans ses cellules un ou plusieurs gènes étrangers. Mais cette technique de transgenèse, aujourd'hui très bien maîtrisée chez les végétaux, est nettement plus difficile à réaliser chez les animaux, et plus encore chez les gros mammifères d'élevage. La manipulation – qui consiste à injecter dans un œuf fécondé une solution contenant de l'ADN, puis à transplanter l'embryon ainsi transformé dans l'utérus d'une mère porteuse – reste lourde, et son rendement, extrêmement faible : de 1 à 5 % chez la souris, nettement moins encore chez les animaux de grande taille.

On conçoit, dans ce contexte, l'intérêt que trouveront les chercheurs au clonage animal. Transformer génétiquement en laboratoire une unique cellule adulte, la laisser se reproduire en autant d'exemplaires qu'il en est besoin, puis introduire chacun d'entre eux dans un ovocyte énucléé, voilà qui devrait changer considérablement le rendement de l'opération. L'enjeu est d'autant plus grand que les animaux transgéniques sont porteurs d'espérances non négligeables dans le domaine biomédical. Outre qu'ils sont employés comme modèles expérimentaux de maladies humaines (hypertension, athérosclérose, mucoviscidose, etc.), les sociétés de biotechnologies sont de plus en plus nombreuses à miser sur leur exploitation commerciale.

Leurs objectifs ? Ils sont de deux ordres. Le premier, auquel travaillent des entreprises comme PPL Therapeutics ou Genzyme Transgenics Corp. (États-Unis), consiste à faire produire à ces animaux des protéines humaines d'intérêt pharmaceutique, en leur greffant le gène correspondant de manière qu'il s'exprime dans un liquide facile à traiter, par exemple dans le lait de vache ou de chèvre. Le second, plus futuriste, ouvre un nouveau et fascinant secteur de recherche biomédicale : celui des xénogreffes. L'idée, actuellement développée par Alexion Pharmaceuticals Inc. (États-Unis) ou Novartis (Suisse), est de transférer à des porcs des gènes humains susceptibles de rendre les cellules de ces animaux tolérables par notre système immunitaire. Les organes des porcs – physiologiquement très proches des nôtres –, devenus compatibles avec l'espèce humaine, pourraient ainsi être utilisés, en quantités quasiment illimitées, pour pratiquer des greffes de cœur, de foie ou de poumon.

Grâce à Dolly, voici donc les animaux transgéniques promis à un bel avenir. La première étape de ce prévisible essor ne s'est d'ailleurs pas fait attendre. Le 25 juillet 1997, la même équipe écossaise (Roslin Institute et PPL Therapeutics) annonçait la naissance de Polly, première brebis obtenue par clonage d'une cellule adulte et dotée d'un gène humain. Dans son lait : le gène d'une protéine humaine à usage thérapeutique, qui, une fois extraite, pourra être administrée à des malades. Annoncée par le Financial Times (le fait qu'il s'agisse d'un journal économique est significatif), cette nouvelle performance signe à n'en pas douter l'entrée dans l'ère commerciale des animaux clonés transgéniques. D'autant qu'on peut déjà prédire, même si les chercheurs durent effectuer près de 300 tentatives pour obtenir Dolly, que l'efficacité de la technique ira croissant.

Un danger pour la diversité génétique

Dans une autre perspective, agronomique cette fois, un second secteur pourrait également bénéficier du clonage animal : celui de l'amélioration génétique des animaux d'élevage. Dans ce domaine, toutefois, les perspectives sont encore assez floues. Agronomes, sélectionneurs, éleveurs sont unanimes : dans l'état actuel de sa pratique, le clonage animal reste trop cher, trop lourd à mettre en œuvre, en un mot trop peu rentable pour être sérieusement envisage à grande échelle. Dans le cas des bovins notamment, tous s'accordent à penser que le clonage des mâles ne présenterait aucun intérêt, puisque les taureaux réservés à l'insémination artificielle, dont un faible effectif suffit à assurer la reproduction d'immenses cheptels, sont d'ores et déjà hautement sélectionnés.