Journal de l'année Édition 1998 1998Éd. 1998

D'autres observateurs, en effet, soulignent la solide résistance du dollar de Hongkong – dorénavant « protégé » par Pékin – à la tourmente monétaire qui a secoué les marchés d'Extrême-Orient durant l'été 1997 ; ils voient l'avenir de l'ex-colonie tout tracé : celui d'une intégration économique à la Chine continentale déjà largement acquise, portée par l'ouverture accélérée du marché chinois. L'interaction entre cette intégration rapide et la poursuite du processus de réformes dans l'État chinois dessinerait alors le chemin d'une évolution de la RAS conforme au modèle singapeurien. Le territoire se développerait comme plaque tournante du miracle économique chinois, demeurant le carrefour des investissements étrangers et des exportations continentales, processus piloté par un pouvoir fort, assurant ordre et prospérité en contrepartie d'une restriction draconienne des libertés publiques...

L'avenir de l'ancienne colonie demeure, plus que jamais, ouvert et incertain. Une telle indétermination trouve son expression dans la façon dont se perçoivent les habitants de la cité : 60 % d'entre eux se refusent, au lendemain de la rétrocession, à se dire « fiers d'être devenus des citoyens chinois », 40 % se définissant, tout simplement, comme des « citoyens de Hongkong ». C'est que, note une intellectuelle hongkongaise, « nous sommes certes une ville peuplée de Chinois, mais nous n'avons jamais été une ville chinoise »...

Changement et continuité

Sauf remise en cause par Pékin des engagements pris par l'Assemblée populaire de Chine en avril 1990, la Région administrative spéciale (RAS) conservera son autonomie jusqu'à 2047, à l'exception de ce qui concerne les affaires étrangères et la défense, du ressort du gouvernement chinois. Le territoire sera géré par le gouvernement de la RAS, choisi par la population locale. Le pouvoir exécutif, législatif et judiciaire demeure entre les mains des autorités locales. Le gouvernement du territoire demeure responsable de la politique monétaire et fiscale. Pékin n'y lève pas l'impôt. Hongkong reste un port franc et le territoire, une zone douanière autonome. Les monnaies de Chine populaire et de Hongkong sont toujours séparées. Le rattachement du dollar de Hongkong au dollar américain n'est pas remis en cause.

Le « poids » de Hongkong

D'une superficie de 1 000 kilomètres carrés, Hongkong est formée par l'île du même nom, la péninsule de Kowloon, les « Nouveaux Territoires » et de nombreux îles et îlots. Sa population est de 6,3 millions d'habitants ; 95 % d'entre eux étant d'origine chinoise. Le produit intérieur brut (PIB) par tête y est d'environ 24 000 dollars, contre moins de 400 dollars dans le reste de la Chine.

Hongkong est la septième place boursière du monde. 367 banques y sont implantées et la capitalisation boursière y est de 3 000 milliards de francs (presque l'équivalent de la place de Paris). Le dollar de Hongkong est lié au dollar américain (1 dollar américain = 7,80 dollars de Hongkong), mais il est de plus en plus tributaire de l'économie et des choix politico-financiers de la Chine populaire.

Au cours des dernières années, Hongkong a connu une rapide révolution industrielle : la plupart des usines qui y étaient implantées ont été délocalisées dans la « zone économique spéciale » de Shenzhen ; l'industrie n'emploie plus que 370 000 personnes, contre 870 000 il y a deux décennies, et ne représente que 9 % de son PIB. Durant ces mêmes années, les liens économiques entre Hongkong et la Chine continentale sont devenus toujours plus étroits : 48 % des exportations chinoises passent par Hongkong, et 60 % des investissements étrangers en Chine proviennent de groupes de Hongkong.

Alain Brossat

Bibliographie
Après Hongkong : un pays, deux systèmes. Philippe Le Corre, Autrement, 1997