Journal de l'année Édition 1998 1998Éd. 1998

Une nouvelle vie pour le télescope Hubble

Près de sept ans après sa mise en orbite et un peu plus de trois ans après avoir été corrigé de sa « myopie » par des astronautes venus le réparer dans l'espace, le télescope Hubble reçoit à nouveau la visite d'un équipage de la navette américaine. Révisé et modernisé, entre le 13 et le 18 février, il est paré pour une nouvelle moisson de découvertes.

Plus de 100 000 images transmises, à l'origine de quelque 5 000 publications scientifiques : le bilan des observations déjà effectuées par le télescope spatial Hubble est véritablement impressionnant. Il s'en est pourtant fallu de peu que l'instrument, dont les astronomes ont si longtemps rêvé avant de pouvoir enfin l'utiliser, ne puisse remplir correctement sa mission. Peu après sa mise en orbite autour de la Terre, à 600 km environ d'altitude, par la navette américaine, en avril 1990, on découvrait, en effet, qu'une erreur de polissage de son miroir de 2,40 m de diamètre empêchait celui-ci de concentrer convenablement la lumière. À ce handicap majeur s'ajoutaient des tremblements du satellite, provoqués par des déformations de ses panneaux solaires lors de leur passage du jour à la nuit, et des perturbations de ses enregistreurs de bord par des particules chargées emprisonnées dans l'une des « ceintures de rayonnement » terrestres. Tout devait heureusement rentrer dans l'ordre avec la réparation dans l'espace du télescope, en décembre 1993. En particulier, l'installation d'un dispositif optique correcteur permit alors de compenser le défaut de courbure du miroir.

Des images exceptionnelles

Depuis, Hubble comble tous les astronomes au-delà de leurs espérances. Scrutant l'Univers du système solaire aux astres les plus lointains, il transmet des images d'une finesse exceptionnelle, qui ont permis une moisson de découvertes.

On lui doit, par exemple, des informations capitales pour une meilleure compréhension de la genèse des galaxies. En révélant l'existence d'une multitude de galaxies très lointaines, donc très jeunes, rassemblées en grappes, qui ont une forme irrégulière et paraissent très perturbées, il a apporté la preuve que l'Univers primitif était chaotique, que les interactions de galaxies y étaient plus fréquentes qu'aujourd'hui et que la morphologie des galaxies (avec, par exemple, des bras spiraux) s'est développée ultérieurement.

Hubble a mis aussi en évidence plusieurs spécimens de lentilles gravitationnelles, ces objets massifs qui permettent de voir des galaxies situées au-delà, dont ils infléchissent la lumière. Ses observations ont confirmé la présence de trous noirs géants au centre de certaines galaxies et le fait que les quasars sont les noyaux de grandes galaxies lointaines, extrêmement lumineuses et très perturbées. Certaines de ses observations spectrales ont révélé que de nombreux nuages, constitués principalement d'hydrogène, s'interposent entre les quasars et notre galaxie. Enfin, les données recueillies par Hubble ont fait une nouvelle fois rebondir le débat sur l'âge de l'Univers : alors que les cosmologistes semblaient désormais s'accorder pour estimer à une quinzaine de milliards d'années le temps écoulé depuis le big bang, les évaluations déduites des observations du télescope spatial confèrent à l'Univers un âge d'une douzaine de milliards d'années seulement.

À l'intérieur de notre galaxie, Hubble a fourni des images saisissantes de « maternités » stellaires, montrant des étoiles en train d'éclore au cœur d'immenses nuages de matière interstellaire. D'autres clichés révèlent la structure étonnamment complexe de nébuleuses issues d'éjections successives de matière par des étoiles à l'agonie ou de l'explosion finale d'étoiles massives.

Dans le système solaire, Hubble a inscrit à son actif la première cartographie de Pluton, la planète la plus éloignée du Soleil, et de fantastiques clichés des autres planètes, notamment de Mars et de Jupiter, qui ont permis de très instructives comparaisons avec ceux recueillis antérieurement par des sondes spatiales, en particulier pour l'étude des phénomènes sur ces planètes.

Deux nouveaux instruments

L'un des atouts de Hubble est d'avoir été conçu pour être réparé et modernisé dans l'espace. C'est ainsi que la mission du satellite a pu être sauvée en 1993. Cette année, l'intervention d'un équipage d'astronautes s'inscrivait dans le cadre des opérations périodiques d'entretien prévues dès l'origine. Il s'agissait de remplacer des dispositifs de service défectueux et de doter le télescope d'équipements plus performants. Ce travail de maintenance a nécessité cinq sorties extra-véhiculaires d'une durée totale de 33 h 11 min. Lors de la première, deux nouveaux instruments scientifiques ont été installés au foyer du télescope : 1°) le spectrographe imageur STIS (Space Telescope Imaging Spectrograph) à très grande capacité de résolution ; 2°) le système d'observation NICMOS (Near Infrared Camera and Multi-Object Spectrometer), qui ouvre à Hubble un nouveau domaine d'investigation avec ses trois caméras associées à un spectromètre, qui opèrent dans le proche infrarouge, entre 0,8 et 2,5 micromètres de longueur d'onde. Moins complexes, les quatre sorties suivantes ont été consacrées au remplacement de plusieurs équipements de service. En particulier, un enregistreur de données à bandes magnétiques a été remplacé par une « mémoire solide » qui porte de 1,2 à 12 gigabits la capacité de stockage de données a bord du satellite. De même, l'un des trois capteurs de guidage optique a été remplacé par un modèle de nouvelle génération, qui permet au télescope de pointer une cible et de la conserver dans son champ de vision avec une stabilité telle qu'il pourrait maintenir un faisceau laser braqué sur une pièce de 1 franc située à 1 000 km de lui. Lors de leur ultime intervention, les astronautes ont réparé la protection thermique du télescope, dont une inspection avait révélé la dégradation par endroits.