La baisse du yen ravive la concurrence japonaise. Le prix des semi-conducteurs, une exportation essentielle pour laquelle les deux pays avaient multiplié les investissements, baisse de 20 %. Cette mauvaise conjoncture met en évidence des défauts structurels. En Corée du Sud, ce sont les five highs (cinq domaines où les tarifs sont élevés) qui sont incriminés : salaires, taux d'intérêt, coûts excessifs du terrain, de la distribution et des procédures administratives. À Taïwan, on dénonce l'inefficacité du secteur public et les surcoûts liés au trucage généralisé des travaux publics.

Les deux pays restent encore très fermés aux produits et aux capitaux étrangers. L'entrée dans l'OCDE obligera la Corée du Sud à s'ouvrir rapidement, à libéraliser sa législation sociale et à supprimer la protection des PME. Le traumatisme sera important, et, pour cette raison, l'opposition combat l'entrée immédiate dans l'OCDE. Taïwan ne pourra pas non plus échapper à une évolution libérale, si elle veut attirer les capitaux étrangers. L'internationalisation des deux économies semble à sens unique. Au premier semestre 1996, les chaebol coréens (nom donné aux grands conglomérats du pays) ont investi 6 milliards de dollars à l'étranger, et les firmes taïwanaises 3 milliards (+ 43 %), mais à peine 0,9 milliard de dollars de capital étranger sont entrés en Corée, et 0,8 à Taïwan (– 16 %). À terme, les deux pays pourraient être victimes du même phénomène de délocalisation qui fait craindre un « évidement » (kudoka) industriel à leur voisin japonais.

Pour Taïwan, le principal danger est autre : une grande partie de l'investissement se fait « chez l'ennemi », en Chine continentale. Plus de 30 000 entreprises de l'île nationaliste, qui ne sont plus seulement les PME de la chaussure ou du jouet, mais aussi des industries de haute technologie, y auraient immobilisé près de 30 milliards de dollars. Le risque d'évidement se double de celui d'une mise en tutelle économique par Pékin. Conscient du danger, le président Lee demande, en août, aux entreprises de limiter leurs engagements en Chine à 20 ou 30 % de leurs investissements. Mais les réactions de la communauté économique sont plutôt négatives : sans le surplus dégagé avec la Chine (15 milliards de dollars en 1995), le commerce de l'île serait déficitaire ; sans une présence massive des firmes taïwanaises en Chine continentale, il n'y aurait pas de surplus. Le gouvernement est pris dans un dilemme insoluble...

Jean-Marie Buissou