Journal de l'année Édition 1997 1997Éd. 1997

Chine et Extrême-Orient socialiste

La Chine de Jiang Zemin semble avoir trouvé le complément indispensable à l'idéologie économiste dans le renouveau du nationalisme, celui-ci s'exprimant aussi bien dans les discours de propagande que par l'agressivité vis-à-vis de Taïwan. Le contraste reste étonnant entre cette Chine autoritaire, mais en mouvement, et une Corée du Nord sclérosée et au bord de l'implosion.

Chine : le recentrage national

Cent ans après le dépeçage du vieil Empire chinois par les puissances étrangères et à quelques mois de la rétrocession de Hongkong par les Britanniques (juillet 1997), la question nationale occupe le devant de la scène. À Pékin, comme à Hongkong et à Taipei, les profondes transformations des dernières décennies conduisent à poser en des termes nouveaux non seulement le problème de l'unité chinoise, mais aussi celui d'une construction politique capable de concilier les exigences du développement économique, de l'affirmation d'une identité chinoise sur la scène mondiale et du respect des identités particulières qui constituent la nation chinoise. Une même dynamique anime ces États-nations qui se cherchent dans les parties séparées du monde chinois : celle du nationalisme. Toutefois, il serait excessif d'en déduire la probabilité d'une « grande Chine » unie et inquiétante pour le reste du monde. Car le nationalisme chinois est presque aussi divers que la Chine elle-même, en ses multiples expressions et contradictions.

C'est bien, au reste, parce que cette diversité est perçue comme une cause de faiblesse qu'elle stimule la politique centralisatrice et nationaliste amenée par le clan dominant au pouvoir à Pékin, selon les orientations qui se sont cristallisées en 1995 autour de Jiang Zemin. Les responsables de l'économie ont poursuivi le programme de rééquilibrage et de désinflation décidé en 1993. Mais il n'est pas assuré que l'atterrissage en douceur dont ils se flattent soit le fruit de transformations structurelles positives plutôt que l'effet d'un nouveau cycle conjoncturel préludant à une reprise de la surchauffe. Les instruments du contrôle macroéconomique sont loin d'être consolidés. La réforme fiscale, qui devait clarifier les relations de Pékin avec les provinces, connaît des difficultés qui soulignent le caractère difficilement réversible des autonomies locales. Aussi la lutte des clans continue-t-elle de se dérouler sur ce terrain privilégié, à la faveur de l'intensification de la campagne contre la corruption. Grâce à cette campagne, le clan shanghaien de Jiang Zemin s'efforce d'affaiblir ses rivaux, notamment à Pékin, tout en affirmant le recentrage national des réformes et en marquant ses distances avec Deng Xiaoping.

Aussi les grandes manœuvres pékinoises de 1995, qui avaient abouti à la chute de Chen Xitong et à la mise en cause de la direction du vaste complexe sidérurgique de la capitale, aboutissent-elles à de spectaculaires condamnations (novembre). À la veille des échéances politiques de 1997 (remplacement du Premier ministre Li Peng au printemps, XVe congrès du Parti communiste chinois à l'automne), ces affrontements n'épargnent plus le haut appareil militaire. Une banale affaire de corruption et de prostitution remonte ainsi depuis les ramifications provinciales (en Chine du Sud) – où ce genre de scandale est d'ordinaire étouffé – jusqu'au général Zhang Wannian. Ce dernier n'est rien moins que l'adjoint de Jiang Zemin à la tête de la commission des Affaires militaires du comité central et le rival du ministre de la Défense Chi Haotian pour l'obtention, lors du prochain congrès, d'un siège au comité permanent du bureau politique.

Bien qu'elles se déroulent en vase clos, ces luttes de clans ne sont pas sans liens avec les évolutions et les tensions qui traversent la société. S'il n'a pas affecté toutes les régions, le ralentissement de la croissance a rendu délicate la situation de nombreuses provinces de l'intérieur, dont une dizaine (au Sud, dans l'Est et au Sud-Ouest) sont ravagées par de graves inondations. Ces difficultés accentuent les flux migratoires en direction des régions moins touchées de la côte. Mais l'agitation sociale s'ancre particulièrement dans les noyaux du secteur économique d'État, que sont les vieux centres industriels socialistes, notamment dans le nord-est du pays, désormais mis à mal par une privatisation rampante. Ces mouvements sporadiques ne déclenchent cependant pas une flambée de grande ampleur.