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Maroc, Tunisie : préoccupations financières et sécuritaires

Le Maroc et la Tunisie épuisent, en 1996, les bénéfices politiques et économiques qu'ils tiraient de la guerre civile en Algérie, commencée en 1992. Les investissements nationaux et étrangers marquent le pas, après une période qui leur a permis d'engranger les effets financiers du « repoussoir algérien », mais aussi de surseoir aux réformes politiques et économiques indispensables à la modernisation de leur société.

Au Maroc, un projet de révision constitutionnelle est soumis à référendum le 13 septembre 1996. La Chambre des représentants, jusqu'alors composée pour les deux tiers d'élus au suffrage universel et pour le tiers restant au suffrage indirect, est désormais entièrement élue au suffrage universel, et ce pour cinq ans, au lieu de six auparavant. D'autre part, redoutant une extension de l'influence islamiste (perceptible notamment dans les campus étudiants), les autorités marocaines décident la légalisation du mouvement islamiste modéré d'Abdelillah Benkirane.

En Tunisie, la croissance annuelle dépasse les 4 %, l'inflation est inférieure à 5 %, le déficit budgétaire reste minime, le nombre d'enfants scolarisés est semblable à celui des pays développés et la participation des femmes aux divers aspects de la vie publique est la plus importante de tout le monde arabe. Pour persévérer dans cette direction, le gouvernement tunisien estime que l'autoritarisme politique est nécessaire. La lutte implacable contre les islamistes tunisiens pousse également les autorités à sévir contre les opposants démocrates. Le 23 mai 1996, le Parlement européen adopte une résolution, se déclarant « consterné par les persécutions dont sont victimes les opposants et leurs familles ».

Le régime libyen sous tension

Depuis le début de l'année 1996, plusieurs affrontements sont signalés dans la région de Dirma (est de la Libye) entre des islamistes armés et les forces de sécurité épaulées par l'aviation. À la mi-juillet, près de Tripoli, le régime de Muammar al-Kadhafi réprime une mutinerie dans la prison de Bouslim abritant des détenus politiques, surtout islamistes. Selon Alia al-Cherif, un activiste de la Ligue libyenne des droits de l'homme, les heurts entre forces de l'ordre et islamistes, dans la période comprise entre août 1995 et août 1996, ont fait 250 morts et 300 blessés dans les rangs gouvernementaux, 350 tués et 480 blessés côté islamiste.

Si ces troubles ne semblent pas en mesure de mettre sérieusement en péril le régime du colonel Kadhafi, qui célèbre le 1er septembre 1996 sa 27e année de pouvoir, celui-ci peut s'inquiéter du malaise profond que connaît le pays. Le 9 juillet, la contestation d'un but dans un match de football opposant les deux plus grandes équipes de Tripoli dégénère. On compte 8 morts et une trentaine de blessés dans le stade, où des slogans hostiles au colonel Kadhafi sont scandés. Confronté à ces problèmes intérieurs et à l'embargo international décrété par l'ONU depuis 1992 (la Libye est fortement soupçonnée d'activités terroristes internationales), le pays tente de sortir de son isolement en proposant un accord diplomatique à la France, en septembre 1996.

Benjamin Stora