Autriche et Europe centrale

Le mythe d'une Europe centrale, espace culturel susceptible d'apporter un « supplément d'âme » à une Europe occidentale ébranlée par la chute du communisme et par le désarroi des idées, appartient au passé. La mondialisation conduisant à la remise en cause des mythes et des certitudes, le temps de l'après-communisme est désormais perçu comme celui de l'entrée dans le monde de l'inconnu et de l'imprévisible. Tous les pays de cette zone sont à la recherche d'une nouvelle identité dans un environnement international de plus en plus instable et incertain.

Au-delà de l'idée de l'intégration européenne. Après la chute du mur de Berlin et l'effondrement de l'empire soviétique, les pays d'Europe centrale ont essayé de reconstruire une vision sécurisante de leur avenir par une adhésion inconditionnelle à l'idée de l'intégration européenne. Cet horizon, devenu depuis une réalité pour l'Autriche et une perspective de plus en plus proche pour d'autres pays de la région (République tchèque, Pologne, Hongrie), n'offre plus les certitudes et les garanties escomptées.

L'élargissement de l'Union européenne et de l'OTAN aux anciens pays communistes sera impossible sans d'importantes réformes internes dans ces deux organismes. La question de la « transition » ne concerne plus seulement les anciens pays communistes mais tous les pays du continent, qui devraient ensemble préciser leur rôle dans un monde qu'ils ont à nouveau contribué à mettre en mouvement.

Malgré les nombreuses déclarations des responsables politiques occidentaux (on évoque la perspective de 1998 pour l'entrée de certains pays dans l'OTAN et celle de 2002 pour l'entrée dans l'Union européenne), les anciens pays communistes de l'Europe centrale continuent de vivre dans un climat d'incertitude. D'autant plus que les dirigeants de la Russie postcommuniste continuent de vouloir peser sur l'avenir de la région. Les organismes de coopération régionale créés après la chute du mur de Berlin tendent progressivement à perdre leur identité et leur vocation initiales. Ainsi, la zone de libre-échange (CEFTA, pour Central European Free Trade Association), constituée à l'origine par la Pologne, la Hongrie et la Tchécoslovaquie – afin d'accélérer le processus d'adhésion de ces pays à l'Union européenne –, s'est non seulement élargie depuis à la Slovénie, mais envisage de s'ouvrir progressivement à d'autres pays (la Roumanie, la Bulgarie mais aussi l'Ukraine, Israël et l'Égypte). Seul le domaine économique permet encore de parler de « transition », la République tchèque, la Hongrie et la Pologne faisant désormais partie de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques).

Autriche : un millénaire plein d'incertitudes

Le cas de l'Autriche illustre bien les problèmes et les incertitudes qui guettent l'ensemble des pays de la région. Ce petit pays vient de fêter cette année, le millénaire de son existence. Le 1er novembre 996, en effet, l'empereur Otton III signa un document mentionnant pour la première fois le nom d'« Ostarrîchi » (Autriche). L'histoire mouvementée du pays échappe à toute tentative d'interprétation univoque. Ce qui rend difficile une définition contemporaine de la nation autrichienne à laquelle renvoient, en dernière instance, tous les débats politiques de l'année.

À la suite des élections parlementaires anticipées de décembre 1995, les deux grandes formations politiques du pays, le Parti social-démocrate (SPÖ, qui a consolidé ses positions au Parlement) et le Parti populaire (ÖVP) ont ouvert des négociations pour la reconduction d'une coalition qui gouverne le pays depuis plusieurs années : celles-ci ont duré trois mois. Les points de désaccord sont surtout d'ordre économique, l'alignement sur les critères de Maastricht impliquant l'adoption d'un plan d'austérité. Les questions de sécurité sont un autre dossier épineux : les positions du chancelier socialiste Franz Vranitzky, pour qui l'Autriche doit garder son statut de neutralité, sont contredites publiquement par le ministre (conservateur) de la Défense, Werner Fasslabend, qui souhaite voir l'Autriche intégrer progressivement les structures de l'OTAN. Il faut dire que l'opinion publique autrichienne de son côté, favorable à 80 % au maintien de la neutralité en février 1995, ne compte plus, en juillet 1996, que 63 % de défenseurs de celle-ci.