La qualité des compétitions, dans les 271 épreuves, n'a pas été étrangère à cet engouement populaire. Dans quelques-uns des 26 sports représentés, plusieurs records du monde ont été battus, en particulier en natation et en haltérophilie. Mais les records les plus retentissants ont été enregistrés dans les courses d'athlétisme. L'Américain Michael Johnson, qui a réussi un doublé inédit (200-400 m), a parachevé son triomphe en enlevant le 200 m en 19 secondes 32 centièmes. Un temps supersonique. Depuis les 8,90 m réussis par Bob Beamon dans le concours de saut en longueur des Jeux de Mexico, en 1968, jamais un exploit individuel n'avait à ce point marqué les esprits. Le Canadien Donovan Bailey, lui aussi, a affolé le chronomètre. En 9 secondes 84 centièmes, il a remporté son premier titre olympique, sur 100 m, et est devenu l'homme le plus rapide de la planète.

Mais les historiens de l'olympisme moderne ne conserveront pas uniquement des archives chronométriques. À Atlanta, bien d'autres événements ont attiré leur attention. Des champions vieillissants ont enrichi leur propre légende, tels l'athlète américain Carl Lewis (qui a décroché sa 9e médaille d'or), le rameur britannique Steve Redgrave (4e titre olympique) et l'haltérophile turc Naïm Suleymanoglu (3e titre). D'autres ont obtenu une reconnaissance tardive, telle la cycliste française Jeannie Longo. Fait sans précédent, des sportifs professionnels ont découvert les vertus du grand bain olympique pour se ressourcer, tels le joueur de tennis américain André Agassi et le cycliste espagnol Miguel Indurain. Enfin, les sports collectifs ont cessé d'être misogynes. Le football et le basket féminins, qui ont rempli les stades et suscité un profond intérêt, ont gagné leurs quartiers de noblesse.

Globalement, la consécration olympique s'est universalisée. 79 pays ont accédé aux podiums. Parmi eux, 53 ont entendu retentir, au moins une fois, leur hymne national. Les États-Unis, avec 101 médailles, terminent largement en tête des bilans. Malgré l'éclatement consommé de l'empire soviétique, la Russie (2e avec 63 médailles, dont 26 en or) occupe toujours le haut de l'affiche, avec toutefois une très faible longueur d'avance sur l'Allemagne (65 podiums, 20 titres). La plus grande surprise est l'excellente 5e place de la France. Emmenée par son porte-drapeau Marie-José Pérec (2 médailles d'or, sur 200 et 400 m), la délégation française a pulvérisé son record de l'après-guerre. Les tricolores ont remporté 37 médailles, dont 15 du plus précieux métal. Le classement de la Grande-Bretagne, berceau du sport moderne, n'est pas moins étonnant. Les Britanniques, longtemps montrés en exemple, ne terminent qu'en 36e position (avec un seul titre olympique). Athlètes et dirigeants ont mis en cause le gouvernement de John Major, accusé de mener une politique sportive ultralibérale. La preuve par l'absurde que sport et ultralibéralisme ne sont guère compatibles.

Petit mais costaud

Le Tonga (110 000 habitants) est le plus petit pays médaillé au Jeux d'Atlanta. Les Tongais peuvent s'enorgueillir d'une brillante médaille d'argent, obtenue par un boxeur de la catégorie des super-lourds : Paea Wolfgram.

Géant mais chétif

L'Inde a connu le plus mauvais rendement des Jeux du centenaire : une seule médaille (de bronze) pour 953 millions d'habitants.

L'affaire des vrais-faux dopés

5 athlètes (4 Russes et 1 Lituanienne) ont subi des contrôles antidopage positifs au bromantan et ont été disqualifiés par le CIO. Mais le Tribunal arbitral du sport, saisi par la délégation russe, a cassé cette décision, estimant que « le bromantan pouvait bien avoir un effet stimulant, [mais qu'il] manquait d'éléments scientifiques pour le certifier ». Seule certitude, le bromantan est exclusivement fabriqué dans des laboratoires militaires et sert de « fortifiant immunologique » aux soldats et aux cosmonautes russes.

Le géopoliticien Zaki Laïdi fait trois constatations à propos du palmarès d'Atlanta (in Libération, 15/08/96) : La première dynamique de ces Jeux est de nature morphologique. Les Jeux favoriseront toujours les grands pays ou, plus précisément, les pays capables de combiner les trois ingrédients du succès : l'existence d'un grand potentiel humain ; un enracinement sportif ancien et entretenu ; une politique sportive tendue vers la valorisation de la compétition sportive de haut niveau. (...) Il y a dans cette radioscopie du palmarès d'Atlanta une seconde dimension qui mérite attention : elle a trait à l'explosion des pays du Sud dans un palmarès qui a pendant longtemps été dominé par les pays du Nord. A une double explosion, pourrait-on dire, car, à l'accroissement des pays du Sud représentés dans le palmarès, s'ajoute le grignotage croissant des traditionnels bastions du Nord. (...) Reste enfin une troisième ligne d'interprétation de ces Jeux. Elle concerne la répartition régionale du palmarès. Là encore, ce qui prédomine désormais ce sont moins les écarts régionaux en tant que tels que les différences à l'intérieur de chaque ensemble régional. (...) Même l'Europe, dont les performances à ces Jeux est excellente, est traversée par des différences qui ne relèvent d'aucun déterminisme particulier. Les remarquables résultats du trio Allemagne-France-Italie, sans parler de la Pologne et de la Hongrie, ne sauraient masquer les échecs de la Grande-Bretagne et du Portugal ou la modestie des performances de l'Espagne et de la Scandinavie. (...) Partout, la diversité s'impose, à l'image d'un monde gagné par le pluralisme. C'est la principale leçon géopolitique des Jeux d'Atlanta.

Athlétisme

Chronique d'un triomphe annoncé

Sur le tartan du stade olympique du Centenaire, Michael Johnson a été fidèle au rendez-vous. Comme prévu, l'Américain est devenu le premier homme à réussir le doublé 200-400 m aux Jeux. Comme prévu, ses adversaires les plus prestigieux ont été ravalés au rang de simples faire-valoir. Ce qui était moins prévisible, en revanche, c'est le niveau de ses performances. Vainqueur sur le tour de piste dans l'excellent temps de 43″ 49, le Texan a surtout fait exploser son propre record du monde du 200 m : 19″ 32 (contre 19″ 66), un temps d'extraterrestre.