Mais au-delà de cette image lisse se cache chez Damon Hill une volonté de fer. En 1975, son père se tue dans l'accident de son avion privé. Les compagnies d'assurances estiment que la responsabilité de Graham est engagée. Son avion n'avait pas été correctement entretenu. La famille Hill est ruinée et déménage dans un HLM. Damon a quinze ans. Il entreprend des études de commerce — « pour rassurer sa mère » — et se lance dans ses deux passions, le rock et la moto. Il fonde un groupe punk et débute la compétition moto en 1979. Son travail de coursier lui permet de payer son matériel. En 1984, il remporte le Championnat anglais des marques au guidon d'une Yamaha.

La même année, sur les conseils de sa mère (« 4 roues c'est plus sûr que 2 » lui dit-elle), il s'essaie à la compétition automobile. Pendant sept ans, il végète en F 3 et en F 3 000, antichambres traditionnelles de la F 1. Sa carrière bascule, en deux temps. En 1991, Frank Williams l'engage comme pilote essayeur. Avant de le choisir deux ans plus tard comme deuxième pilote, aux côtés d'Alain Prost. Hill a déjà trente-deux ans. Il remporte trois Grands Prix dès sa première saison et termine 3e du Championnat. En 1994, la mort d'Ayrton Senna à Imola le propulse pilote no 1 d'une écurie Williams traumatisée. Il enlève 6 courses, mais il est devancé dans le Championnat par Michael Schumacher. 1995 restera une année noire pour Damon. Trop nerveux, il commet quelques bourdes. La presse britannique l'accable. Schumacher ne se prive pas d'en rajouter. Hill est déstabilisé. L'image de « looser » lui colle à la peau. Il termine de nouveau 2e du Championnat, derrière Schumacher.

1996 est enfin l'année de la consécration. Hill vit son titre comme une « délivrance merveilleuse ». Quelques semaines avant d'être sacré, il avait appris que Frank Williams ne renouvellerait pas son contrat. Damon avait accueilli la mauvaise nouvelle avec sa dignité coutumière. Désormais, avec ce titre en poche assorti d'un palmarès éloquent (21 victoires en Grands Prix), Damon Hill a troqué les oripeaux du perdant insipide contre la tunique du gentleman champion.

Douillet, champion modèle

Quand on le voit, son nom prête à sourire. S'appeler Douillet quand on a la carrure d'un deuxième ligne de rugby (1,96 m, 125 kg) et que l'on peut revendiquer le titre de judoka le plus fort de la planète, il y a là comme un paradoxe. À Atlanta, Douillet, le mal-nommé, a conquis avec brio la médaille d'or olympique qui fait de lui l'un des judokas et l'un des sportifs français les plus titrés de tous les temps. Il a aussi acquis à cette occasion un statut de star, qu'il a assumé avec une simplicité désarmante.

David Douillet a débuté le judo à onze ans. Élevé par sa grand-mère dans un petit village de Normandie, il a longtemps souffert de son physique, à qui il doit tant aujourd'hui. Le judo devient un exutoire pour ce gamin mal dans sa peau. Au contact des tatamis, il abandonne peu à peu ses complexes, accepte sa différence, découvre les valeurs du judo, le respect des autres et de soi-même. « Sans le judo, j'aurais peut-être été un gros con, aigri par mes complexes physiques », confiait-il avant Atlanta.

La mutation de David Douillet est d'autant plus rapide que ses résultats sportifs sont excellents. Champion de France en 1991, médaillé de bronze aux Jeux de Barcelone (à vingt-trois ans), il devient l'année suivante le premier Français champion du monde des poids lourds. En 95, il conserve ce titre mondial et y ajoute celui des toutes catégories. Un doublé que seuls les Japonais Yamashita et Ogawa avaient réussi avant lui. Au-delà de la puissance physique, la force de David Douillet réside dans sa vitesse d'exécution, exceptionnelle pour un athlète de 125 kg, et dans ses qualités de stratège des tatamis. « Il est toujours plus malin que l'autre », explique Jean-Luc Rougé, directeur technique national du judo français. À Atlanta, personne n'a résisté à Douillet. Une fois le titre en poche, il a promené dans la ville olympique sa bonne bouille ronde et sa joie de vivre. Il a répondu aux nombreuses sollicitations avec une disponibilité de tous les instants. Mais derrière cette image d'éternel bon vivant, décontracté, souriant, perce parfois une personnalité plus complexe, moins sereine. Lui qui, à vingt-sept ans, a tout gagné, a dévoilé au lendemain de son triomphe olympique un autre aspect de lui-même en confiant : « Sur le podium, j'ai pleuré car j'ai pris conscience que j'étais allé au bout. Au bout de tout. Et ce sentiment est d'une ambiguïté terrible. Il y a à la fois la joie de la victoire, du moment présent, mais il y a aussi la sensation d'aboutissement. Derrière, soudain il n'y a plus rien. C'est très fort. C'est un peu triste aussi... »

Jeannie Longo

Le sportif français le plus titré de l'histoire est une femme. En 1996, dans sa trente-huitième année, Jeannie Longo a ajouté un titre de championne du monde, une médaille d'or olympique (sa première) et un record de l'heure — pour ne retenir que l'essentiel — à un palmarès déjà vertigineux. Sa longévité et sa suprématie sont telles que son histoire se confond avec celle du cyclisme féminin.