L'architecture assure. Plus que jamais Henri Ciriani fait école, revisitant le style international et l'héritage corbuséen. À l'échelle planétaire, Richard Meier triomphe. Il livre en début d'année le musée d'Art contemporain de Barcelone, d'une modernité étincelante au cœur de la ville gothique. Surtout, il achève sur les hauts de Los Angeles sa grande œuvre, la Fondation Getty, qui réalise le mythe d'une acropole moderne chère aux CIAM (congrès internationaux d'architecture moderne) de la première moitié du siècle. Sur un socle de pierre ocre, sept ou huit entités bâties s'enroulent dans la trame d'un trait égal pour composer une citadelle culturelle magistrale. Une apogée tardive du courant moderne et un sommet de cette culture urbaine qu'incarne si justement l'Espagnol Rafael Moneo, lauréat 1996 du prix Pritzker, décerné par la Fondation Hyatt... Ou encore Renzo Piano, qui livre en front de Rhône les premiers maillons de la Cité internationale de Lyon.

Ouverture technique et poétique

Antidote à tant de convenances, les Français Odile Decq et Benoît Cornette sont distingués lions d'or à la Biennale de Venise, en octobre 1996, gardant la porte ouverte sur de plus imprévisibles débordements architecturaux. Car, si le « mouvement moderne » règne en cette fin de siècle, des incertitudes subsistent, des interrogations demeurent qu'une architecture attentive et actuelle explore inlassablement, portée par la crue des innovations et expérimentations techniques. Ce courant plus « techniciste » mais aussi poétique ne se résigne pas à cette modernité de bon aloi, aujourd'hui reconnue comme « classicisme ». Livrée au printemps, à Paris, dans le Marais, la Maison européenne de la photographie fait cohabiter vieilles pierres xviiie et extension moderne taillée dans le même calcaire serti de verre (Yves Lion et Alan Lewitt, architectes). Un incontestable sans-faute fait d'attention et de retenue. Cette compatibilité signe en ville un compromis historique qui se vérifie à l'échelle du paysage. Ouvert en 1996, le Centre archéologique du mont Beuvray, sur le site de l'ancienne Bibracte, scelle l'alliance de la nature et des canons de la modernité (Pierre-Louis Faloci, architecte). L'ouvrage a reçu, fin 1996, la très prisée équerre d'argent, attribuée par le groupe des éditions du Moniteur pour ses qualités de composition paysagères et muséographiques, plus sûrement que par son statut officieux d'œuvre testamentaire du président Mitterrand.

François Lamarre