Journal de l'année Édition 1997 1997Éd. 1997

Les nouveaux auteurs ont eu, comme de coutume, quelque mal à s'imposer face à la vague des classiques et des grands modernes, ainsi que face à la notoriété posthume de Bernard-Marie Koltès, dont les œuvres sont montées à la fois par de grandes personnalités comme Patrice Chéreau et par de très nombreuses compagnies indépendantes. L'œuvre de Joël Jouanneau s'est affirmée peu à peu : son Allegria opus 127, qui s'inspire lointainement de la vie de Chostakovitch, marque un retour à l'émotion, un refus du deuxième degré sarcastique – tendance qu'on peut observer chez d'autres écrivains du monde entier, comme la Québécoise Marie Laberge, dont on a pu voir à Paris l'émouvante pièce intitulée le Faucon. La démarche est significative au moment où vient de disparaître en Allemagne Heiner Müller, maître de la pièce biseautée et énigmatique. Une autre attitude s'est développée : le goût de la comédie pamphlétaire, à laquelle Michel Deutsch, Charles-Louis Sirjacq, Coline Serreau, Gilles Segal et Jean-François Prévand ont su souvent apporter un sang nouveau. Le génie français de l'esprit, de l'éclat des formules renaît également avec Jean-Louis Bauer, auteur de la scintillante comédie Page 27, articulée autour des pertes de mémoire d'un grand écrivain officiel. Du côté des auteurs étrangers, l'Américain Tony Kushler vient d'obtenir en France le retentissement que son théâtre politique, à la fois journalistique et mythique, a connu aux États-Unis et dans de nombreux pays, avec les mises en scène d'Angels in America par Brigitte Jaques et de Slaves ! par Jorge Lavelli.

Théâtre de la Colline

Le 12 novembre, Jorge Lavelli, atteint par l'âge de la retraite, a quitté la direction du Théâtre national de la Colline, dont il était le premier directeur. Il est remplacé par Alain Françon, jusqu'alors directeur du Centre dramatique national de Savoie (où André Engel a pris sa succession). À cette occasion, Alain Satgé a publié Jorge Lavelli, des années soixante aux années Colline, aux Presses universitaires de France.

Odéon-Théâtre de l'Europe

Georges Lavaudant est devenu, en mai, le nouveau directeur du Théâtre de l'Europe. Il en est le troisième directeur après Giorgio Strehler et Lluis Pasqual. Parmi les nouvelles initiatives de Lavaudant, la création d'une « cabane » itinérante, dont la première étape a été, en septembre, la place de l'Odéon, à Paris. Une deuxième salle devrait être percée sous cette place, au moment des travaux de rénovation prévus en 1998.

Nouvelles salles

Deux grands théâtres ont ouvert une salle supplémentaire. La Comédie-Française dispose, depuis novembre, d'un petit Studio-Théâtre, dans le Carrousel du Louvre, ce qui lui permet de répartir sa programmation sur trois salles (salle Richelieu, Vieux-Colombier et Studio). Le Théâtre de la Ville, structure subventionnée par la Ville de Paris, a inauguré, en novembre également, une salle de dimension moyenne, le Théâtre des Abbesses, à Montmartre, où sont donnés des spectacles plus adaptés à un cadre intime qu'à la grande salle de la place du Châtelet.

L'année des cinquantièmes

Plutôt que de fêter leur cinquantième anniversaire, certaines institutions ont préféré célébrer leur cinquantième édition : le Festival d'Avignon, créé en 1947, et la Comédie de Saint-Étienne, fondée la même année, ont conçu un programme spécial pour cette occasion.

Gabily

Auteur et metteur en scène, Didier-Georges Gabily est décédé le 21 août, à Paris, au cours d'une opération du cœur. Créateur du Groupe T'Chan'g !, il avait peu à peu fait connaître son inspiration originale dans des œuvres (Effonçures, 1994 ; Chimère, 1996) qui mêlent la violence moderne et les mythes antiques.

Gilles Costaz