Journal de l'année Édition 1997 1997Éd. 1997

D'autres indices témoignent dans le même sens, à commencer par le triomphe de la photographie. L'inauguration de la Maison européenne de la photographie, à Paris, a été suivie par des expositions à succès, telle celle qui a montré les rues et les foules new-yorkaises à travers l'objectif de William Klein. Elle venait après une rétrospective d'August Sander, qui réunit dans l'Allemagne de l'entre-deux-guerres les images d'un immense répertoire de la société, des gueux aux bourgeois. Sander, mi-ethnologue mi-moraliste, fut condamné par les nazis, accusé de calomnier ses compatriotes parce qu'il les montrait tels quels.

Dans les galeries, le même phénomène s'observe, du moins dans les galeries qui parviennent à subsister en dépit d'une crise qui ne finit pas. La FIAC, revivifiée par une réforme de ses statuts, l'a prouvé : les stands consacrés à la création contemporaine se partageaient à parts à peu près égales entre peinture néoréaliste et photographie d'inspiration souvent sociologique. Face à ce besoin de représentations et de figures, les tenants des formules apparues voici un quart de siècle ont quelque peine à paraître encore d'actualité. Il n'est pas anodin que le musée d'Art moderne de la Ville de Paris ait célébré le peintre allemand Georg Baselitz, dont l'expressionnisme puissant et souvent tragique fait écho aux angoisses de l'époque. Il n'est pas étrange non plus que l'exposition Picasso et le portrait, qui s'est tenue au Grand Palais, ait attiré en moyenne 6 000 visiteurs chaque jour. Or, qu'est-ce que le portrait, sinon l'un des principaux modes d'action de l'artiste sur ses contemporains et sur le monde ?

Philippe Dagen