Amérique du Sud

Coup d'État manqué au Paraguay, élections présidentielles en Équateur, manifestations de la misère au Venezuela, réussite économique du Chili qui ouvre au Mercosur la voie des échanges avec l'Asie : l'Amérique du Sud s'avance vers le xxie siècle en ordre dispersé, mais toujours hantée par les questions de la démocratisation, de la libéralisation de l'économie et de la pauvreté.

Argentine

En avril, un scandale révèle que l'Argentine a vendu des armes à l'Équateur, en conflit contre le Pérou en 1995, et qu'elle avait précédemment vendu des armes à la Croatie. Le ministre de la Défense refuse cependant de démissionner, en arguant que, si le ministre responsable devait démissionner chaque fois que son administration commet un délit, il ne resterait pas un seul ministre en place. En juillet, le président Carlos Saul Menem obtient la démission de Domingo Felipe Cavallo, ministre de l'Économie depuis cinq ans et demi, auteur de la convertibilité du peso en dollar, du retour à la stabilité et du ralentissement de l'inflation. M. Cavallo était en conflit avec les députés du Parti justicialiste (perroniste, au pouvoir) qu'il accusait de corruption, mais aussi avec les syndicats, qui lui reprochaient ses mesures économiques. Il est remplacé par Roque Fernandez, ancien président de la banque centrale, qui ne change pas de politique, mais annonce de nouvelles mesures impopulaires : augmentation des impôts, réduction des dépenses, etc.

Le 8 août, une grève générale d'une journée, déclenchée à l'appel des trois principales confédérations syndicales argentines, est très suivie à Buenos Aires et dans les grandes villes de l'intérieur. Il s'agit de la quatrième et plus importante grève depuis la venue au pouvoir de C. Menem, en 1989. La démission forcée de M. Cavallo, « l'homme du FMI », a transformé C. Menem en unique responsable de la politique économique contestée par les grévistes : le chômage touche 17,1 % de la population active et dépasserait 20 % dans l'agglomération de Buenos Aires. Les allocations chômage n'existant pratiquement pas, la pauvreté s'étend. Les systèmes d'enseignement et de santé se dégradent, et le budget militaire est réduit. Dans ce pays jusqu'alors à l'abri de l'insécurité, la criminalité prend des proportions inquiétantes.

La baisse de la production industrielle se poursuit au début de l'année. En 1996, la croissance ne devrait pas dépasser 2 %, les exportations reprennent sans être suivies ni par les investissements ni par la consommation. De fortes polémiques se déchaînent autour de la dernière tranche de privatisations, difficilement acceptées par le Congrès (aéroports, centrales nucléaires, et le coûteux barrage de Yacyreta).

En octobre, une fraude douanière est révélée au public. Elle porte sur l'importation de 10 milliards de dollars de marchandises distribuées dans le circuit économique normal (équivalant à 3 milliards de pertes pour le fisc, soit la moitié du déficit budgétaire). Début octobre, le président Menem, reconnaissant l'existence d'une « mafia » dans le pays, annonce la fusion de l'administration des douanes avec celle des impôts.

Chrono. : 26/07, 26/09.

Bolivie

La contestation sociale se poursuit contre un gouvernement que la mort accidentelle de Max Fernandez, dirigeant de la UCS (Unité civique solidarité) et assesseur du président Gonzalo Sanchez de Lozada (élu en 1993), a privé d'un utile soutien. Les paysans du Chapare accusent la police d'agir dans leur région comme une force d'occupation et refusent la destruction des plantations de coca, si on ne leur propose pas de cultures de remplacement. Par ailleurs, en juillet, une grève générale est organisée contre les nouvelles caisses de retraite, conçues sur le modèle chilien et contrôlées par des intérêts chiliens. D'autres mouvements sociaux se développent : chez le personnel de la Lloyd, l'ancienne compagnie aérienne nationale désormais propriété du groupe brésilien Vasp, ainsi que chez les employés des chemins de fer, passés au groupe chilien Cruz Blanca. La Centrale ouvrière bolivienne (COB) réclame la fixation du salaire minimum à 123 dollars (contre 46 dollars jusqu'alors).