Ce résultat peut surprendre de la part d'un pays riche, quatrième exportateur mondial, qui joue un rôle sur la scène mondiale. D'autant que la France continue de toute évidence à faire plus envie que pitié. Il suffit pour s'en convaincre d'examiner les résultats de l'enquête réalisée en 1994 dans seize pays européens par l'institut TMO-Consultants et le réseau INRA de recherche internationale (Voir l'étude détaillée réalisée par l'auteur dans l'édition 1997 de Francoscopie, éditions Larousse Bordas). Le classement, réalisé à partir des quinze critères utilisés (perception des habitants, qualité de vie, performances économiques, impressions globales), place la France à la première place, très loin devant les autres pays ayant fait l'objet de l'étude.

Aux multiples exceptions françaises (dont les Français eux-mêmes sont si fiers) s'ajoutent donc une forte tendance à l'autodénigrement et un goût probablement inconscient pour les sociodrames.

Il serait évidemment naïf de prétendre que nos concitoyens sont des malades imaginaires, qui s'inventent des maux pour avoir le loisir de s'en plaindre, puis de les diagnostiquer, avant peut-être de les soigner. Mais il est salutaire de remettre les difficultés actuelles en perspective et de faire la part des choses. Pour un observateur attentif, la comparaison dans le temps est globalement favorable, même si le « progrès » n'est pas perceptible par tous les groupes sociaux, notamment par les jeunes. Mais dans bien des domaines, notamment matériels, il n'est pas exact de prétendre que « c'était mieux avant ».

De même, la comparaison dans l'espace oblige à relativiser les difficultés proprement hexagonales, non seulement bien sûr par rapport au reste du monde, mais aussi aux pays les plus favorisés, pour lesquels la France reste le lieu de « l'art de vivre ».

L'analyse des causes du malaise hexagonal cache en fait des mouvements plus profonds et plus déterminants pour l'avenir de la France. C'est dans d'autres directions que dans des mouvements d'humeur ponctuels et conjoncturels qu'il faut chercher les signes les plus importants du changement social. L'un d'entre eux est sans doute la place que sont en train de prendre les femmes dans la société française. Si l'on peut déplorer à juste titre leur trop faible présence aux postes de décision les plus apparents (gouvernement, assemblées, entreprises...), leur influence est néanmoins croissante dans la vie quotidienne. Elle s'exerce de façon indirecte, par la diffusion de ce que l'on peut appeler les « valeurs féminines » (sens pratique, générosité, pacifisme, modestie, intuition...).

Grâce aux femmes, et parce que tout crépuscule est annonciateur d'une aube nouvelle, les décalages décrits ici pourraient bientôt s'atténuer. Il suffirait pour cela que les Français retrouvent le sens de la réalité, que les entreprises, les syndicats et les médias soient davantage « citoyens ». Il suffirait surtout que les grands acteurs de la vie politique donnent la preuve de leur imagination et de leur courage. Ce sera peut-être pour l'année prochaine.

Gérard Mermet