Astronomie et espace

Assombrie pour les Européens par l'échec du premier vol d'essai du nouveau lanceur Ariane 5, l'année spatiale 1996 a été marquée aussi par de beaux succès, notamment dans le domaine des vols habités, et par la reprise de l'exploration du système solaire par des sondes automatiques. Mais, pour la première fois depuis 1966, les États-Unis ont procédé à davantage de lancements que la Russie, dont l'activité spatiale n'a cessé de se réduire depuis 1987, par suite de difficultés financières.

Les vols habités

Pas moins de 51 spationautes ont pris le chemin de l'espace : 43 à bord de la navette américaine, qui a effectué 7 missions (sur un total atteignant 80 à la fin de l'année), et 8 à bord du vaisseau russe Soyouz pour rejoindre la station orbitale Mir. Cette dernière a entamé le 19 février sa 11e année dans l'espace, après 56 150 révolutions autour de la Terre, au cours desquelles elle a accueilli 46 cosmonautes, abstraction faite d'une courte visite des membres de l'équipage de l'orbiteur Atlantis lors du premier amarrage de la navette à la station, en 1995. Enfin complète après l'amarrage, le 26 avril (avec quatre ans de retard sur le programme initial), du module Priroda – principalement consacré à l'observation de la Terre –, elle forme à présent un complexe orbital de 230 t, dont l'exploitation doit se poursuivre jusqu'à l'an 2000. En mars et en septembre ont eu lieu la 3e et la 4e des 9 missions américano-russes destinées à préparer l'assemblage en orbite (en principe à partir de décembre 1997) de la future station spatiale internationale : dans ces deux cas, l'orbiteur de la navette s'est amarré à Mir, amenant un astronaute américain à bord de la station pour y effectuer un vol de longue durée. Partie le 22 mars, l'astronaute Shannon Lucid devait effectuer un vol de 140 j. Des problèmes techniques sur la navette, puis un cyclone soufflant sur la Floride, ont retardé d'un mois et demi le lancement de la navette chargée de la ramener au sol. De retour sur la Terre, le 26 septembre, après 188 j passés en orbite, l'Américaine est ainsi devenue la nouvelle détentrice du record féminin de séjour dans l'espace, détrônant la Russe Elena Kondakova qui était restée 169 j dans l'espace en 1994-1995. Autre record, celui établi au plan européen par l'astronaute (allemand), Thomas Reiter, de l'Agence spatiale européenne, avec un vol de 180 j dans le cadre de la mission européano-russe EuroMir 95. Pour la France, l'année a été particulièrement faste avec le vol de ses deux premiers spationautes scientifiques. Jean-Jacques Favier, tout d'abord, ingénieur-physicien au Commissariat à l'énergie atomique – sélectionné comme spationaute par le CNES en 1985 –, a participé comme spécialiste de charge utile à la 78e mission de la navette américaine, à bord de l'orbiteur Columbia, du 20 juin au 7 juillet. Cette mission était consacrée à la réalisation de 43 expériences dans les domaines des sciences physiques et des sciences de la vie. C'était le 7e vol d'un Français dans l'espace, et le 3e à bord de la navette. Claudie André-Deshays, ensuite, médecin rhumatologue et docteur ès sciences (option neurosciences), sélectionnée, elle aussi, comme spationaute par le CNES en 1985 et qui avait déjà subi un entraînement à un vol à bord de Mir en tant que doublure de Jean-Pierre Haigneré pour la mission franco-russe Altaïr (réalisée en 1993), est devenue la 31e femme et la 1re Française à voyager dans l'espace en participant, du 17 août au 2 septembre, à la mission franco-russe Cassiopée. Durant son séjour de 14 j à bord de la station Mir (où elle a retrouvé notamment Shannon Lucid), Claudie André-Deshays a mené à bien une série d'expérimentations concernant le domaine biomédical (physiologie cardiovasculaire et neurosensorielle, biologie du développement animal), les sciences physiques (étude du comportement de fluides au voisinage de leur point critique) et la technologie (caractérisation des structures en orbite). À l'issue de sa mission, il a été annoncé que la coopération spatiale franco-russe dans le domaine des vols habités se poursuivrait par deux nouveaux vols de cosmonautes français à bord de Mir : le premier, d'une durée de trois semaines, à la fin de 1997 ; le second, d'une durée de quatre mois, en 1999.

Enchères spatiales

Le 16 mars, à New York, l'illustre maison de vente Sotheby's a livré aux enchères quelque 400 lots consacrés à la conquête spatiale soviétique. Clou de la vente : la capsule Vostok 3K-A, prototype envoyé dans l'espace avec un mannequin à bord, peu avant le vol inaugural de Gagarine en avril 1961. L'engin était estimé la bagatelle de 1 million de dollars et représentait, à lui seul, près de la moitié du produit escompté. Mais il n'a pas trouvé preneur. Un collectionneur américain a tout de même déboursé 112 500 dollars (562 500 F) pour un satellite espion.

Un Airbus pour les vols paraboliques

Financé par le CNES et plusieurs partenaires, l'Airbus A-300 « Zéro G », baptisé le 14 septembre sur l'aéroport de Bordeaux-Mérignac, est désormais le plus gros avion du monde consacré aux vols paraboliques, pour l'entraînement des spationautes et la réalisation d'expériences scientifiques ou la validation de matériel d'expérimentation en micropesanteur. Il devrait être utilisé jusqu'en 2002 au rythme de cinq à six campagnes de vol par an, permettant d'embarquer chacune 15 expériences et jusqu'à 40 passagers.

Les lanceurs

L'échec, le 4 juin, du vol inaugural du lanceur Ariane 5 a provoqué la stupeur et la consternation en Europe. L'enquête ultérieure a permis d'incriminer des erreurs de spécification et de conception du logiciel du système de référence inertielle. Celles-ci ont provoqué la perte totale des informations de guidage et d'attitude trente-sept secondes après le démarrage de la séquence d'allumage du moteur principal (c'est-à-dire trente secondes après le décollage). Trois secondes plus tard, le lanceur, qui se trouvait à environ 3 700 m d'altitude, a dévié de sa trajectoire, s'est brisé et a explosé, causant la perte des 4 satellites scientifiques Cluster qu'il devait placer sur orbite (pour l'étude des relations Soleil-Terre).