Journal de l'année Édition 1997 1997Éd. 1997

La grande distribution en accusation

Les grandes surfaces sont entrées en quelque sorte dans l'ère du soupçon. Le président Chirac a lui-même fustigé ces mastodontes, au prétexte qu'ils menaceraient l'emploi et bloqueraient la consommation. C'est là une histoire déjà ancienne, qui mérite qu'on aille y voir de plus près. Après une assez longue période de développement relativement lent de la grande distribution (ouverture en 1957 du premier supermarché Suma puis, en 1963, du premier hypermarché Carrefour, à Sainte-Geneviève-des-Bois), c'est seulement à partir de 1970 que les grandes surfaces ont commencé à prendre leur essor et une place importante dans la distribution des produits alimentaires et non alimentaires : de 1970 à 1995, les grandes surfaces ont presque doublé leurs parts du marché des produits alimentaires, aux dépens du petit commerce alimentaire, spécialisé ou non. Au cours des dix dernières années, c'est surtout le développement des hypermarchés qui s'est accéléré : entre 1986 et 1995, leur nombre a quasiment doublé, passant de 598 à 1 048, notamment sous la poussée des indépendants (de 123 à 501) de taille plus réduite. Sur ce chiffre, on en compte 253 de plus de 7 500 m2. Ces derniers emploient chacun de 250 à 700 personnes, voire plus selon leur taille, qui peut dépasser 20 000 m2.

L'hypermarché « à la française » offre dans un lieu unique tous les produits qui peuvent intéresser les consommateurs (chalands). Dans cet ensemble de produits, ceux destinés à l'alimentation ne constituent en moyenne que 56,5 % des ventes, et, pour les plus grands magasins, moins de 50 % de celles-ci. Toujours d'après les statistiques de l'INSEE, la part des produits d'entretien ou d'équipement de la maison (électroménager, télévision, etc.) augmente constamment et atteint presque 35 % des ventes dans les très grands hypermarchés.

Le pouvoir de monopole acquis par les grandes surfaces s'est fondé progressivement sur la capacité d'attraction qu'elles exercent sur la clientèle. Ainsi, selon une enquête de l'INSEE de mars 1996, la grande distribution réalise plus de la moitié des ventes de commerce de détail. Les hypermarchés en représentent le quart, soit plus de 400 milliards de francs.

Pendant longtemps, la clientèle a été attirée par les grandes surfaces parce qu'elle était convaincue d'y acheter les produits aux prix le plus bas possible. Plus récemment, pour fidéliser davantage la clientèle, les hypermarchés ont diversifié leur offre en proposant sur un même lieu un ensemble complet de produits et de prestations très attractifs : organisation de galeries marchandes avec des commerces spécialisés, centres automobiles, service quasi bancaire, cartes de paiement, assurances, produits d'épargne, agences de voyages ou encore billetterie pour réserver des places de spectacle.

Typologie

Actuellement, il existe 6 types de grandes surfaces de vente :
– les supermarchés, c'est-à-dire les magasins en libre service à prédominance alimentaire de 400 à 2 500 m2 (Intermarché, Champion) ;
– les hypermarchés, magasins en libre service à rayons multiples d'au moins 2 500 m2 et présentant un assortiment très complet de produits alimentaires et non alimentaires (Carrefour, Mammouth, Leclerc) ;
– les magasins populaires, qui ont un assortiment général avec un important rayon alimentaire (Monoprix, Prisunic) ;
– les magasins spécialises, qui se consacrent à la vente d'une famille d'articles (FNAC, Darty, Conforama) ;
– les grands magasins, qui ont un assortiment général étendu à prédominance non alimentaire (Galeries Lafayette, Printemps).
– Nouveau venu, le maxi-discount ou hard-discount : c'est un magasin qui propose un choix limité de produits (moins de 1 000 références ou articles différents contre quelques dizaines de milliers dans les supermarchés) vendus sans marque ou sous la marque du distributeur dans un environnement où l'aménagement intérieur est sommaire.

CA 95

Carrefour : 144,6 milliards de francs (+ 6,1 %) et 2,69 milliards de résultat net (+ 24,7 %, hors éléments exceptionnels) ; Leclerc : 124,9 milliards de francs en 1994 ; Intermarché : 111,2 milliards de francs ; Promodes : 100,5 milliards de francs (+ 6,6 %) et 1,02 milliard de résultat net (+ 13,6 %) ; Auchan : 56 milliards de francs de chiffre d'affaires (+ 6,3 %) ; Docks de France : 46,7 milliards de francs (7,2 %) et 563 millions de résultat net (+ 9 %) ; Comptoirs modernes : 27 milliards de francs (+ 5 %) et 450 millions de résultat net (+ 11 %).

Les effets de la concentration

Depuis quelques années, on a pu observer une tendance à la concentration de la grande distribution et à la domination de quelques grandes enseignes comme Carrefour, Auchan, Leclerc. Les indépendants (Leclerc et Intermarché) ont multiplié l'ouverture de magasins, tandis que des rapprochements majeurs ont eu lieu entre Carrefour et Euromarché en 1991, Casino et Rally, Auchan et les Docks de France, en 1996.