Ailleurs, la politique arabe de la France se veut dynamique et inventive, comme en témoignent les divers voyages présidentiels dans les États du Moyen-Orient (Liban et Égypte en avril, Arabie saoudite en juillet, Syrie en octobre) et la réception à Paris de nombreux dignitaires arabes.

L'Irak demeure le terrain privilégié d'une spécificité que la France a l'occasion d'affirmer début septembre, lors de la riposte américaine à l'intervention militaire irakienne contre les forces de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK). Faute d'avoir été consultée, la France, s'estimant en droit de reprendre son autonomie, refuse de s'associer à la décision de Bill Clinton d'étendre au sud de Bagdad, jusqu'au 32e parallèle, la surveillance internationale du ciel irakien. La France, qui a joué un rôle non négligeable dans l'acceptation par Bagdad de la résolution 986 de l'ONU, dite « pétrole contre nourriture », souhaite que l'Irak puisse réintégrer progressivement la communauté internationale. Elle espère aussi tirer des avantages économiques de cette sollicitude. Sans aller jusqu'au rétablissement des relations diplomatiques, rompues depuis la crise du Golfe de juin 1990, Paris dépêche à Bagdad un conseiller commercial chargé de déblayer le terrain. Des responsables des compagnies pétrolières sont sur place, qui, dès la levée de l'embargo, signeront les contrats d'exploitation de deux gisements du Sud irakien.

Ailleurs, cette politique arabe peut porter ses fruits. Paris ne peut nourrir que de faibles espoirs avec l'Arabie Saoudite, intéressée à la seule carte américaine, mais peut miser sur des pays plus indépendants de Washington : la Jordanie, l'Égypte et éventuellement la Syrie.

L'Afrique

Dans le cadre d'une politique traditionnelle de présence active, la politique africaine de la France n'a pas connu d'innovations majeures en 1996. Au Maghreb, les relations bilatérales sont bonnes avec le Maroc, quelque peu altérées avec la Tunisie. On ne cache pas à Paris une certaine déception au regard des méthodes et des lenteurs de l'administration tunisienne, ce qui explique sans doute le report à janvier 1997 de la visite en France du président Zine el-Abidine Ben Ali. En Algérie, la France demeure à la remorque d'événements incontrôlables, tels l'assassinat de sept moines trappistes puis celui de l'évêque d'Oran. Faute de garantie politique précise, l'aide de la France est revue à la baisse.

En Afrique noire francophone, où le cap difficile de la dévaluation du franc CFA semble avoir été franchi, Paris s'irrite quelque peu des récentes sollicitudes américaines, qualifiées d'électoralistes. En juillet, les visites officielles de J. Chirac au Gabon et au Congo donnent lieu à des démonstrations chaleureuses. La France reste fidèle à sa conception du pré carré africain, sans se montrer trop regardante quant à la qualité de ses partenaires. Fin janvier, la France entérine le coup d'État du Niger, qui a porté le colonel Barré Maïnassara au pouvoir, après avoir un temps suspendu sa coopération. En mai, les militaires français dénouent plus ou moins la crise qui oppose une fraction de l'armée centrafricaine au président Patassé. De même, la coopération avec le Zaïre, suspendue depuis cinq ans en raison des violations répétées des droits de l'homme, est rétablie. À l'automne, le rôle de la France dans la région est à nouveau mis en cause quand les troubles se multiplient à la frontière entre le Zaïre et le Rwanda, dans le Kivu. Tutsis du Zaïre et forces armées rwandaises mettent en déroute les forces de Kinshasa, ce qui provoque un gigantesque mouvement de reflux à partir des immenses camps de réfugiés hutus rwandais installés dans la zone. La France propose alors une action internationale humanitaire pour venir en aide à ces centaines de milliers de réfugiés. Elle est aussitôt récusée par les autorités de Kigali, qui n'ont pas pardonné à Paris son rôle joué en 1994, et l'opération, mise en doute dès l'origine par Washington, est repoussée de jour en jour. Le brusque retour d'une partie des réfugiés au Rwanda met un point final au projet. La France, associée aussi bien aux génocidaires hutus qu'au régime honni de M. Mobutu, perd de son influence dans la région au profit des États-Unis, qui ont su gagner la confiance des autorités rwandaises comme ougandaises.