Politique intérieure

En mai 1995, Jacques Chirac succède à François Mitterrand à la présidence de la République. Sa victoire du 7 mai clôt quatorze ans de mitterrandisme et marque le retour des gaullistes à l'Élysée. Encore touché par les affaires, le monde politique donne cette année une impression d'impuissance face aux crises que traverse la France. Aux élections municipales, le Front national gagne Orange, Toulon et Marignane.

L'ouverture de la campagne présidentielle

Jusqu'en février, les jeux semblaient être faits : le Premier ministre (RPR) Édouard Balladur, officiellement candidat le 18 janvier, s'acheminait vers une victoire annoncée. Le 17 février, Jacques Chirac (candidat pour la troisième fois depuis novembre, chef historique du RPR et donné perdant pendant longtemps) dévoile ses « propositions » pour la France. Constatant que « les Français veulent le changement », il dit vouloir « remettre l'homme au centre des choix économiques », préconise une baisse des prélèvements, compatible selon lui avec une hausse des salaires. Il affirme vouloir mettre fin à la dérive monarchique des institutions et réhabiliter le politique face à la technocratie. Du côté de la droite parlementaire, Philippe de Villiers, fort des résultats de son Mouvement pour les valeurs aux élections européennes, est le seul à se lancer dans la compétition face aux élus RPR. Le centriste Raymond Barre, qui avait laissé planer le suspense, renonce à être candidat en mars. Le même mois, Valéry Giscard d'Estaing déclare que sa candidature est « inutile » parce qu'il n'a pas perçu en France « l'écho » qu'il attendait.

Jacques Delors s'étant écarté du jeu présidentiel, le Parti socialiste met en place une procédure de désignation de son candidat. Après le retrait de Jack Lang, les militants, lors d'une consultation très suivie (72,98 % de votants), désignent massivement Lionel Jospin (65,83 %), de préférence au Premier secrétaire, Henri Emmanuelli. Pour se démarquer sans renier les années Mitterrand, L. Jospin propose de devenir « président citoyen » et de moraliser la vie publique (quinquennat, non-cumul des mandats). Il préconise la réduction du temps de travail (37 h en 1997) et se prononce pour la fin de la rigueur salariale. Les divisions chez les écologistes aboutissent au retrait de Brice Lalonde (mars) et à l'élimination d'Antoine Waechter, incapable de réunir sur son nom les 500 signatures requises. Seule Dominique Voynet est candidate.

Le 7 avril, le Conseil constitutionnel publie la liste officielle des neuf candidats : Édouard Balladur, Jacques Chirac, Philippe de Villiers, Robert Hue (PC), Lionel Jospin, Jean-Marie Le Pen (FN), Dominique Voynet, Ariette Laguiller, candidate de Lutte ouvrière depuis 1974, et, unique surprise parmi les candidats, Jacques Cheminade, du Parti ouvrier européen.

Premier ministre et candidat

Les derniers mois du gouvernement Balladur reflètent les aléas de la campagne et la difficulté croissante d'être à la fois Premier ministre et candidat à la tête d'un gouvernement dont certains membres ont pris parti contre vous. L'affaire des HLM des Hauts-de-Seine et ses développements empoisonnent les derniers mois du gouvernement Balladur. Sollicité par François Mitterrand, le Conseil supérieur de la magistrature soutient le juge Éric Halphen qui, au-delà du financement occulte, met à jour un réseau de fausses factures et de commissions sur les marchés publics. Le principal accusé, Didier Schuller, conseiller général RPR des Hauts-de-Seine, mis en examen pour abus de biens sociaux, préfère disparaître que de se soumettre aux injonctions de la justice. Un mandat d'arrêt international est lancé contre lui (avril).

É. Balladur est directement touché par l'affaire des écoutes téléphoniques liées à la tentative de corruption Schuller-Maréchal (beau-père du juge Halphen et soupçonné d'avoir été acheté pour dissuader son gendre de poursuivre son instruction), dans le cadre du dossier des HLM des Hauts-de-Seine. Le 8 février, la Chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris annule les écoutes et accuse la police judiciaire d'avoir monté l'opération. Après des démentis et des tergiversations, Matignon admet avoir autorisé ces écoutes. Le 20 février, É. Balladur reconnaît l'« erreur » de ses services et obtient la démission du directeur central de la police judiciaire.