Journal de l'année Édition 1996 1996Éd. 1996

Maghreb

La guerre civile algérienne domine encore l'actualité de la région. La conjonction de la préparation des élections présidentielles en Algérie et de l'irruption de la violence terroriste en France rappelle que le sort des deux pays est intimement lié. Le président Liamine Zeroual légitimé par les urnes, quelle place sera faite aux partis d'opposition en Algérie ?

Algérie

Dès le début de l'année, le ton est donné. Le 30 janvier, au cœur d'Alger, près du commissariat central, à 15 h 20, heure où les Algérois se pressent dans les banques et les magasins, une voiture piégée explose, plongeant la rue dans l'enfer. Le bilan sera de 42 morts et 286 blessés. Dans la matinée du 22 février, les forces de sécurité algériennes donnent l'assaut pour briser une mutinerie de militants islamistes dans la prison de Serkadji. Le bilan est de 99 islamistes tués et 4 gardiens égorgés. Lembarek Boumaarafi, assassin présumé du président Boudiaf, est grièvement blessé. Ces deux événements, qui se succèdent en moins d'un mois dans la seule ville d'Alger, illustrent l'état de guerre qui règne en Algérie.

Le détournement de l'Airbus d'Air France, le 24 décembre 1994, par un commando du GIA (Groupe islamiste armé), a montré que cette guerre pouvait faire irruption sur le sol français sous la forme d'un terrorisme publicitaire. Mais, selon Clausewitz, « lorsque la guerre paraît purement guerrière, elle est à son maximum d'intensité politique ». C'est le cas en Algérie. L'armée est en contact avec diverses formations politiques, et une opposition algérienne se construit aux « rencontres de Rome » de janvier 1995, où, entre autres partis, le FLN et le FFS (Front des forces socialistes) se mettent d'accord avec le FIS sur une « plate-forme » commune d'opposition.

La société algérienne « dérive » parce qu'elle n'a plus de représentations politiques : sans elles, les phénomènes de violence, de passage à la guerre, de constitution de maquis ou de milices, souvent appuyés sur la délinquance, ne peuvent être enrayés. L'impossibilité de poursuivre une politique du « tout sécuritaire » oblige l'armée algérienne, qui reste pour le moment la seule force cohérente au pouvoir, pour mettre fin à la violence, à affronter le problème de la reconduction et de la reconstruction du champ politique.

À l'approche de l'élection présidentielle, les actions violentes redoublent. On ne compte plus les assassinats et les attentats à la voiture piégée. En août, deux voitures piégées explosent au Club des pins, l'une des résidences officielles les mieux protégées d'Algérie. Bilan : deux morts et sept blessés. Le 31 août, c'est le siège de la Direction générale de la Sûreté nationale, situé dans le quartier « chaud » de Bab el-Oued, qui est visé. Neuf personnes sont tuées, une centaine blessées. Fin septembre, Aboubakr Belkaid, haut dignitaire du régime, plusieurs fois ministre, est assassiné. Quelques semaines avant son assassinat, Aboubakr Belkaid multipliait les contacts avec des dirigeants du Centre et de l'Ouest algérien qui, alliés, pourraient contrer le poids d'un pouvoir toujours issu des régions de l'Est.

Les élections présidentielles

Pendant longtemps, en Algérie, le problème essentiel était celui de la légitimation des pouvoirs successifs. « Par les armes, et non par les urnes » : c'est de cette manière que se posait le problème, au lendemain de la guerre d'indépendance. Presque quatre ans après l'interruption du processus électoral par l'armée, en janvier 1992 (où la victoire du FIS paraissait certaine), les élections présidentielles représentent un enjeu important pour le pouvoir, à la recherche d'une légitimité politique. Les trois « Fronts », signataires de la plate-forme de Rome, le Front de libération nationale (FLN), le Front des forces socialistes (FFS) et le Front islamique du salut (FIS), refusent de participer à la consultation électorale. Ils estiment qu'une négociation politique (par exemple sur la levée de l'état d'urgence, en vigueur depuis trois ans) doit précéder les élections.