Suisse et Liechtenstein

Les négociations entre la Suisse et l'Union européenne font peu de progrès en 1995. À l'intérieur, l'opposition entre partisans et adversaires de l'intégration tend à se radicaliser. Si le franc suisse retrouve son rôle de monnaie refuge, les perspectives de croissance économique doivent être révisées à la baisse. Les élections fédérales du 25 octobre, avec leur taux d'abstention record, ne modifient que faiblement le panorama politique. Quant à la principauté voisine et associée du Liechtenstein, elle confirme son entrée dans l'Espace économique européen.

Le difficile dialogue avec Bruxelles

Reprises officiellement en mars 1995, les négociations avec la Commission européenne se heurtent à des discordances sur la méthode d'approche et le traitement des « noyaux durs ». Le Conseil fédéral (le gouvernement suisse) dispose d'une marge de manœuvre très étroite face à une opposition anti-européenne de plus en plus résolue. À la tête de cette dernière, le très médiatique Christoph Blocher mène campagne pour la défense de la neutralité et de l'indépendance helvétiques. Il se veut aussi le défenseur de la démocratie directe menacée, selon lui, par toute forme d'intégration européenne. Les négociations continuent de buter sur les deux préalables fixés par la Commission européenne : la suppression par la Suisse de l'interdiction des routes alpines aux poids lourds de plus de 28 tonnes et la libre circulation des personnes. Sur ces deux sujets sensibles, la pression de l'opinion persiste. Une pression qui se confirme en juin, lors d'une consultation où 53,5 % des votants rejettent l'assouplissement des conditions d'acquisition de biens par des étrangers.

La baisse de régime de l'économie

La croissance est faible : elle n'a été que de 1,2 % en 1994 et ne devrait guère dépasser 0,6 % en 1995. Après un lent recul, le chômage semble se stabiliser au taux moyen de 4 % de la population active (chiffres de septembre) avec, toutefois, de grosses disparités géographiques : 3,2 % en Suisse alémanique, mais 6 % en Suisse romande et 6,4 % à Genève.

La recherche de marchés nouveaux, hors de l'Union européenne, reste une préoccupation essentielle pour le gouvernement. Les conseillers fédéraux chargés des relations extérieures multiplient les missions de prospection. Pour adapter son économie à la mondialisation, la Suisse entreprend de réviser la loi sur les « cartels » et envisage un contrôle préventif des fusions d'entreprises. Celui-ci rendrait illicites les « ententes rigides » destinées à bloquer la concurrence.

L'entrée officielle de la Confédération dans l'Organisation mondiale du commerce (l'OMC, qui a succédé au GATT) transforme l'agriculture. L'économie de marché et les paiements directs compensatoires prennent la place d'un système où les prix étaient garantis à tous les niveaux. Mais les premières mesures concernant ce « paquet agricole » ont été rejetées lors d'une votation le 12 mars 1995. Du coup, l'étude des mesures financières nécessaires a été remise en chantier.

L'envolée du franc suisse à partir de mai, favorisée sans doute par les turbulences au sein du SME, est le signe d'une nette reprise du mouvement des capitaux en direction de la Suisse, alors qu'ils l'avaient délaissée depuis quatre ans. La réorganisation du système bancaire se poursuit (en cinq ans, le nombre des établissements est tombé de 356 à 270). Si le bénéfice total des banques du pays a baissé de 18 % pendant l'année 1994, les plus grands groupes, qui ont absorbé d'importantes banques régionales, poursuivent leur développement extérieur. Ainsi, le 1er juin 1995, la Société de banque suisse acquiert la banque londonienne d'investissement Warburg. Les élections fédérales du 22 octobre 1995 sont à la fois marquées par une nouvelle chute du taux de la participation (un peu moins de 42 %) et par une progression du nombre des élues féminines (les deux sièges genevois du Conseil des États sont conquis par des femmes), mais elles n'entraînent pas de bouleversement majeur de l'équilibre politique. Au Conseil des États, où 34 sièges sur 46 sont pourvus au soir du 22 octobre, la suprématie traditionnelle des partis « bourgeois », les radicaux et les démocrates-chrétiens, ne peut être vraiment mise en cause. Le mode de scrutin majoritaire et la parité des délégations par canton, quel qu'en soit le nombre d'habitants (deux sièges par canton, ou un par demi-canton), leur est en effet très favorable. Les 200 membres du Conseil national sont quant à eux élus à la proportionnelle. Chaque canton est une circonscription et dispose d'un nombre de sièges proportionnel à sa population. Au Conseil national, les quatre grands partis de la coalition gouvernementale obtiennent 162 sièges, soit 81 % de l'ensemble. Deux d'entre eux remportent des sièges. L'UDC (l'Union démocratique du centre, dont Christoph Blocher dirige la section zurichoise), à l'origine un parti agrarien et corporatiste devenu majoritairement nationaliste et neutraliste, gagne 4 sièges, soit 29 au total. Le Parti socialiste suisse (PSS), fort de son image plus ouverte, en gagne 12 et devient, avec 54 sièges, la formation la plus importante de la Confédération.