Benelux

La stabilité politique et l'influence du contexte européen ont caractérisé les trois pays du Benelux en 1995. En Belgique, les élections législatives anticipées du mois de mai ont permis au gouvernement de Jean-Luc Dehaene d'être reconduit. Les trois États se préparent à l'Union économique et monétaire, sans heurts pour le Luxembourg, avec plus de difficultés pour les Pays-Bas et la Belgique.

Scandales

En 1988, le gouvernement belge achète des hélicoptères à la firme italienne Agusta alors que Willy Claes (qui deviendra en 1994 secrétaire général de l'OTAN) est ministre de l'Économie. Il apparaît de plus en plus clairement que des pots-de-vin ont été versés à cette occasion ; d'autres affaires sont évoquées, comme l'achat de matériel militaire à la société française Dassault. Une procédure judiciaire est engagée, qui met en cause des personnalités du Parti socialiste francophone, puis de son homologue flamand. En mars 1995, le ministre des Affaires étrangères, Frank Vandenbroucke, démissionne. Il avait été président du Parti socialiste flamand de 1989 à 1991, à un moment où, comme cela a été prouvé depuis, le parti disposait d'une « caisse noire ». Quelques jours auparavant, le suicide du général Jacques Lefèbvre, ancien chef d'état-major de la force aérienne belge, a confirmé l'ampleur du scandale, sans en éclaircir tous les tenants et aboutissants.

En avril, le Parlement a autorisé la justice à mener une enquête sur les responsabilités de trois anciens ministres socialistes, dont Willy Claes. Malgré une position fragilisée, celui-ci se maintient au secrétariat général de l'OTAN, jusqu'à ce que le Parlement accède à une demande de mise en accusation présentée par le procureur général de la Cour de cassation. Ce dernier rebondissement provoque, le 20 octobre, la démission de Willy Claes.

Pourtant, les élections législatives anticipées montrent une singulière indifférence de l'électorat à l'égard des « affaires » (mai). On s'attendait à un recul des socialistes, surtout en Flandre, ainsi qu'à une poussée des libéraux (opposition) et de l'extrême droite. Les glissements de voix sont finalement minimes, et la bonne tenue du Parti socialiste flamand déjoue tous les pronostics. Jean-Luc Dehaene peut reconduire sans problèmes la coalition sortante, composée des chrétiens-sociaux et des socialistes.

La formation des exécutifs régionaux est plus délicate. En même temps que les législatives se déroulent les premières élections régionales au suffrage universel, fruit du nouveau système fédéral. La prépondérance des chrétiens-sociaux en Flandre et des socialistes en Wallonie se confirme, les deux partis s'alliant pour gouverner ces régions. Mais à Bruxelles-capitale, les libéraux, qui s'appuient sur les craintes de la majorité francophone face aux revendications flamandes, font une percée remarquée. Finalement le gouvernement régional, dirigé par un socialiste, regroupe des membres de cinq partis politiques.

Des budgets « maastrichtiens »

Les budgets 1996 des pays du Benelux sont établis en fonction des critères de convergence qui décideront de l'entrée dans l'Union économique et monétaire. Le Luxembourg a la tâche la plus simple : il lui suffit de persévérer dans une politique d'équilibre budgétaire qu'il a pu mener sans difficultés jusqu'ici. Sauf montée imprévue du chômage (dont le taux, inférieur à 3 %, reste le plus bas de l'Union européenne), un accroissement important des dépenses paraît peu vraisemblable. L'année 1995 s'ouvre par un changement de Premier ministre le 17 janvier. Dans la plus parfaite continuité, le chrétien-social Jean-Claude Juncker (né en 1954) succède au chrétien-social Jacques Santer, nommé à la tête de la Commission européenne (janv.).

En revanche, la Belgique souffre d'un lourd handicap : une dette extérieure proche de 140 % du PIB, alors que le traité de Maastricht fixe la barre à 60 %. Toutefois, malgré le poids de la dette, le déficit budgétaire est en diminution depuis 1990 ; le gouvernement espère atteindre dès 1996 le taux de 3 % du PIB nécessaire pour entrer dans l'Union économique et monétaire. Il est en revanche peu probable que la dette de l'État diminue assez rapidement. Cela ne devrait pas empêcher la Belgique de faire partie du « noyau dur » de 1999 ; l'opinion publique y est d'ailleurs très favorable. La Bundesbank, gardienne (de fait) de l'orthodoxie « maastrichtienne », se satisferait vraisemblablement d'une diminution significative de la dette : la stabilité financière de la Belgique et la solidité accrue de sa monnaie plaident en sa faveur. En attendant, l'augmentation des impôts (TVA et taxes diverses) et la diminution des dépenses de l'État sont à l'ordre du jour. La suppression du service militaire, au 1er mars 1995, a aussi permis de faire quelques économies. Les Pays-Bas sont considérés depuis longtemps comme devant faire partie du premier cercle. Arrimé au mark, le florin figure parmi les monnaies les plus fortes de l'Union européenne. Mais la dette de l'État (78 % du PIB en 1995) dépasse encore le niveau souhaitable. Quant au déficit budgétaire, il pourrait être ramené à 3,1 % du PIB en 1996. Les « gisements » d'économies se raréfient après les coupes réalisées dans la protection sociale depuis plusieurs années, et le gouvernement doit alléger les charges des entreprises pour conforter la baisse du chômage. En outre, les graves inondations de janvier 1995 vont obliger à accélérer la réfection des digues de la Meuse et du Rhin. De grands travaux d'infrastructure sont également prévus, notamment une nouvelle ligne ferroviaire pour les marchandises entre Rotterdam et l'Allemagne.