Lorsque le 14 août 1941 naît la charte de l'Atlantique, les États-Unis ne sont pas encore partie prenante dans le conflit mondial. Bien que le texte prévoie alors l'instauration d'un « système permanent de sécurité générale » et de désarmement, Winston Churchill regrette qu'on n'y évoque pas davantage la future organisation internationale qu'il appelle de ses vœux. Mais le président américain, Franklin D. Roosevelt, entend encore préserver l'isolationnisme des États-Unis. Quoi qu'il en soit, le coup de tonnerre de Pearl Harbor, le 7 décembre 1941, a raison des réticences de Roosevelt, et la charte de l'Atlantique est vite promue au rang de texte fondateur dans la littérature des « Nations unies ». Moins de quatre ans plus tard, la conférence de San Francisco (27 juin 1945) voit la naissance de l'Organisation des Nations unies.

Tout au long du conflit, le projet des Nations unies – la formule est de Roosevelt – va s'affiner. Le 1er janvier 1942, ce sont 26 pays qui, dans la Déclaration des Nations unies, s'engagent à lutter jusqu'à la victoire contre les forces de l'Axe. Si la liste reste ouverte, le cas de la France libre n'est pas réglé. On débat de nouveau de l'affaire onusienne lors de la conférence de Moscou en octobre 1943. Cette fois, la Chine se mêle au concert des trois Grands – États-Unis, URSS, Royaume-Uni – pour admettre « la nécessité d'établir, le plus tôt possible, une organisation internationale fondée sur le principe de l'égalité souveraine de tous les États pacifiques [...] pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales ». Un mois plus tard, c'est à Téhéran que Roosevelt défend auprès de Staline sa conception d'une organisation à vocation universelle tenant compte des structures régionales. Si la question paraît de peu d'importance pour le Soviétique – soucieux avant tout de l'ouverture d'un second front en Europe occidentale –, il en accepte le principe dès lors que Roosevelt lui donne l'assurance de ne pas maintenir ses troupes en Europe pour y faire respecter le futur ordre mondial. Rien ne s'oppose donc à ce que l'on aborde les compétences et le fonctionnement de l'Assemblée générale. La question est réglée lors de la conférence de Dumbarton Oaks (août-sept. 1944) : un Conseil de sécurité de onze membres disposera des forces armées des grandes puissances ; cinq États détiendront un siège permanent. Des Nations unies, il est encore question à Yalta (févr. 1945), et, l'on s'accorde à accepter toutes les candidatures pourvu qu'elles émanent d'États ayant déclaré la guerre à l'Allemagne avant le 1er mars 1945. D'ailleurs, le communiqué final de Yalta mentionne la tenue à San Francisco, le 25 avril 1945, de la conférence des Nations unies destinée à arrêter les statuts de la nouvelle organisation.

La signature de la charte des Nations unies par les représentants de 51 pays suscite alors un véritable enthousiasme. On évoque aux États-Unis les « plus hautes aspirations de l'humanité », on parle de la « survie de la civilisation », on se félicite de la « naissance d'une nouvelle ère dans l'histoire ». Que l'engouement ait été moins grand en Europe occidentale tient sans doute à la nature même du projet. En effet, celui-ci reposait sur l'idée de « sécurité collective », soit la continuation de l'alliance militaire des vainqueurs et le maintien de l'ordre issu de leur victoire. Ce qui n'est pas sans rappeler la « philosophie » qui avait présidé à la naissance de la SDN. De plus, l'illusion que l'on pouvait rendre perpétuelle l'alliance militaire des grandes puissances qui venaient de vaincre l'Axe était du même type que celle qu'avaient entretenue les vainqueurs de 1919. Sans doute la présence des États-Unis – qui n'avaient pas adhéré à la SDN – était-elle de nature à étouffer dans l'œuf d'éventuels remords spéculatifs. Enfin, l'euphorie de la paix va entériner un hiatus fondamental à l'aune duquel on mesurera les divers échecs de l'organisation onusienne. La conférence de San Francisco traduisait surtout les préoccupations des États petits et moyens, alors même que le principe d'un système de sécurité, qui limitait en fait leur souveraineté, fut accepté sans discussion. Cinquante ans plus tard, force est de constater que le projet initial n'a subi aucune modification fondamentale. Et la représentation spatiale de l'ONU – une sorte d'arborescence dont l'Assemblée générale est le centre d'où partent des rayons qui induisent la dépendance d'un grand nombre de petites unités – continue d'entretenir la fiction d'un « système des Nations unies ».

Nuremberg, un procès à l'étrange postérité

Surmédiatisé à l'époque des faits, le procès de Nuremberg a donné lieu par la suite à une abondante littérature et à de nombreux documentaires. Étrangement, il aura été le grand absent des diverses manifestations qu'a suscitées le cinquantième anniversaire de la fin de la guerre. On peut avancer quelques hypothèses. Pour l'opinion publique internationale, on n'y a peut-être jugé que des « seconds couteaux » : Hitler était mort, ainsi que Himmler ou Goebbels. Les noms des principaux accusés, à l'exception de Goering, n'évoquent sans doute plus grand-chose aujourd'hui : qui se souvient de Hans Frank ? Avec l'absence des « grands criminels », Nuremberg a peut-être aussi échappé à l'Histoire – qui se prête si bien aux célébrations – pour filer entre les « mains » de la justice des hommes chargés de « dire » le droit. Et, dans la mesure où Nuremberg n'a pas signé la disparition des criminels de guerre au cours de ce demi-siècle, le tribunal international apparaît comme un événement contingent, et donc nécessairement décevant.