Journal de l'année Édition 1996 1996Éd. 1996

Aéronautique : une compétition sans merci

Des chiffres encourageants

Le 41e Salon international de l'aéronautique et de l'espace s'est tenu, comme de coutume, à l'aéroport de Paris-Le Bourget, mais il a été raccourci de deux jours, à la demande des exposants, pour raisons économiques. Il a été marqué, cependant, par un retour à un certain optimisme, le spectre de la crise mondiale s'estompant peu à peu aux yeux des industriels et des compagnies aériennes clientes. Les carnets de commandes ont recommencé à se remplir. Ainsi, les prévisions des deux principaux avionneurs de la planète – Boeing et Airbus Industrie – tablent sur une demande de 10 000 à 15 000 nouveaux appareils dans les vingt ans à venir : que ce soit pour remplacer les avions trop anciens ou interdits de vol car ne répondant plus aux normes de plus en plus strictes énoncées par l'OACI (Organisation de l'aviation civile internationale), notamment en matière de nuisance, ou pour répondre au développement continu du transport aérien, les perspectives pour l'an 2010 étant fondées sur le chiffre impressionnant de deux milliards de passagers/an.

Sans doute le plus important de ces dernières années, le Salon 1995 a réuni le nombre record de 1 634 exposants venus de toute l'Europe, des Amériques, de la CEI, du Proche- et du Moyen-Orient, de l'Extrême-Orient, d'Australie et d'Afrique du Sud. On a enregistré un total de 326 000 entrées, dont 132 000 visiteurs professionnels venus de 144 pays. Dominés par la maquette géante – grandeur nature – d'Ariane V, cinq appareils encore inconnus ont fait leur apparition en public : l'Airbus A 300-600 ST Belouga, destiné au transport des tronçons d'Airbus sur les sites d'assemblage, le McDonnell-Douglas C-17, quadriréacteur militaire de transport de très forte capacité d'emport mais pouvant utiliser des pistes sommaires, le biréacteur Boeing B-777 à grande capacité et à long rayon d'action, concurrent des Airbus A 330 et A 340, le Bell-Boeing V-22 Osprey, quadriturbopropulseur à voilure basculante pour décollage et atterrissage verticaux, et le déjà célèbre bien que jamais encore vu Northrop-Grumman B-2 Spirit, champion des avions dits « furtifs », qui n'est resté qu'une heure en escale. L'avion d'armes anglo-germano-italo-espagnol « Eurofighter 2000 », futur éventuel rival du Rafale de Dassault Aviation, n'a fait qu'un passage rapide à l'exposition statique, laissant le ciel à l'appareil français. Le nouveau triréacteur transocéanique Falcon 900-EX de Dassault a partagé la une dans le domaine de l'aviation d'affaires avec le premier Citation X, biréacteur d'affaires de Cessna qui venait de conquérir le record de vitesse de sa catégorie sur la traversée de l'Atlantique.

CA et emplois

L'aéronautique représente en France un chiffre d'affaires global de 105,7 milliards de francs (en 1994), apporte 30 milliards de contribution positive à la balance commerciale et assure 105 600 emplois. Aux États-Unis, ces chiffres se montent respectivement à 630 milliards, 165 milliards (en 1992) et 650 000 emplois.

Une guerre sans dentelles

Mais, si les appareils présentés en vol se mesuraient sous les yeux des spectateurs émerveillés, dans les chalets, l'affrontement entre les constructeurs ne se faisait pas à « fleurets mouchetés ». Par conférences de presse successives, les dirigeants de Boeing et d'Airbus n'hésitaient pas à employer des termes peu diplomatiques pour comparer les mérites respectifs des appareils en compétition : la nouvelle gamme B-737 et la série B-777 de Boeing étaient ainsi opposées aux A-330 et A-340 pour la première et à la famille A-319/A-320/A-321 d'Airbus pour la seconde. Dans cette lutte sans merci, Boeing dispose du formidable atout d'un dollar actuellement faible.

La compétition a été aussi rude dans le domaine de l'hélicoptère militaire : les Pays-Bas et la Grande-Bretagne ont fini par préférer pour leurs armées de l'air l'obsolète appareil Apache de McDonnell-Douglas à l'ultramoderne – et moins coûteux – Tigre du groupe franco-allemand Eurocopter. Même si les Britanniques mettaient en avant le fait que l'assemblage de l'appareil se ferait en Grande-Bretagne, garantissant ainsi 3 000 emplois, de nombreux observateurs ont pensé que les pressions de Bill Clinton n'avaient pas été étrangères à cette décision, qui, en tout état de cause, confirmait cette évidence : la préférence européenne a rarement été une priorité de l'autre côté de la Manche. D'autant moins, en l'occurrence, qu'au début de l'année Londres avait déjà choisi l'avion de transport américain, déjà ancien, C-130 Hercules au détriment d'un appareil franco-allemand en préparation, l'ATF (avion de transport du futur).